RALLYE : DAKAR 2023 – Étape 13, historique !
Pour présenter ses hommages à l’Empty Quarter et le quitter dignement, la spéciale du jour a été dessinée au sud de Shaybah, pour aller chercher un beau tas de sable où les dunes s’enchaînent à nouveau à perte de vue.
Sur ce dernier test de franchissement, mixé avec un retour sur des pistes en gravier en fin de parcours, Kevin Benavides a fait parler son sens de l’adaptation et du timing pour revenir dans le sprint final le plus serré de l’histoire du Dakar. Ce ne sera pas le cas de Sébastien Loeb, qui a pourtant fait la preuve d’un talent totalement abouti dans toute la séquence du « Quart Vide » en faisant le plein de spéciales et battre un record détenu par Ari Vatanen depuis 1989. Rien que ça !
L’essentiel
Il aurait fallu qu’Alfred Hitchcock, Martin Scorsese, Agatha Christie et Quentin Tarantino se réunissent pour accoucher du scénario à suspense qui a été écrit sur l’étape de Shaybah à la veille de l’arrivée finale du Dakar. Kevin Benavides et Toby Price en ont été les auteurs, sans calcul ni stratégie, uniquement à la force des bras, des déhanchements indispensables pour surfer sur les dunes… et « poignée dans le coin » dès que possible. Sur le chemin de la 7e victoire d’étape de sa carrière (voir la perf du jour), le pilote de Salta a stoppé son effort en arrivant sur l’accident de son coéquipier Matthias Walkner, mais s’est pourtant relancé à l’assaut de son autre collègue chez KTM, Toby Price, qu’il place dans une position ultra-inconfortable à 136 kilomètres de la ligne d’arrivée finale.
Au verdict de l’étape d’Al-Hofuf, l’Australien domine le classement général avec 12’’ d’avance sur Kevin Benavides, du jamais vu à ce stade du rallye. Après environ 3 900 kilomètres de chrono, voilà un écart qui représente à peine 300 mètres, une distance que l’un et l’autre vont surveiller de près dans le final de demain sur la route de Dammam. Skyler Howes, battu par le duo australo-argentin, n’a pas totalement abdiqué mais les 1’30’’ qui le séparent de Price passent presque pour un gouffre. Surtout, l’ordre de départ particulier de la dernière spéciale, donné dans le sens inverse du classement général, contraindra l’Américain à rouler « en aveugle », avec Benavides puis Price à ses trousses. Deux garçons difficiles à semer !
Ce n’est pas du tout dans cet état de tension que prendra la route Nasser Al Attiyah, qui a eu la satisfaction de sentir le doux air du pays en passant en liaison à quelques kilomètres de la frontière qatarienne avant de rejoindre Al-Hofuf. Le pilote Toyota hume aussi de plus en plus nettement le parfum d’un cinquième titre, même avec un Sébastien Loeb déchaîné qui affole les statistiques mais reste à 1h21 d’une première victoire au général. Le pilote français ne s’est pas contenté d’assurer sa deuxième place devant le super débutant Lucas Moraes (voir le chiffre du jour), mais s’est aussi payé le luxe de battre l’un des records d’Ari Vatanen. Personne avant Loeb n’avait remporté 6 étapes consécutives parmi les autos de pointe. Voilà qui font 7 en 2023 (comme Sainz en 2011) et 23 depuis son arrivée sur le Dakar en 2016.
En T3, Mitch Guthrie a poursuivi comme Loeb sa collection d’étapes (5 cette année, 7 sur l’ensemble de son œuvre) mais Austin Jones reste intouchable avec 50 minutes d’avance sur Seth Quintero, tout comme Alexandre Giroud, absolument pas inquiété par la série des quatre étapes de rang réalisée par Marcelo Medeiros. En T4, c’est un quatrième succès d’étape que signe le benjamin du Dakar Eryk Goczal, en même temps qu’un rapproché à 3’24’’ de Rokas Baciuska, leader sous pression mais solide depuis la 7e étape. Janus Van Kasteren peut quant à lui respirer en regardant la feuille du classement du jour : les déboires de Martin Van Den Brink (voir coup dur du jour) désignent comme premier poursuivant Martin Macik, pointé à 1h16’.
La perf’ du jour
Le coup dur du jour
Ce matin, Toby Price possédait 28 secondes d’avance au général sur Skyler Howes et 2’40’’ sur Kevin Benavides. À son arrivée de la spéciale du jour, longtemps après ses adversaires, l’Argentin avait réussi à inverser la vapeur alors qu’il avait passé 23’10’’ au chevet de Matthias Walkner, son coéquipier et vainqueur du Dakar 2018 qui a quitté le Dakar en hélicoptère. Dans ce contexte psychologique dont peu de champions réussissent à sortir gagnant, l’aîné des Benavides remportait la spéciale après réintégration de son temps d’arrêt. Il délogeait son frère, annoncé gagnant dans un premier temps avant de recevoir une minute de pénalité pour excès de vitesse, laissant filer un 4e succès sur ce Dakar. À la veille de l’arrivée, le vainqueur du Dakar 2021 n’est plus qu’à 12 secondes de l’Australien, un écart inédit sur le Dakar !
En 2014, Peterhansel était en tête à ce stade de la course pour 26 secondes devant Roma, record balayé. À moto, il ne faut pas remonter bien loin pour retrouver le plus faible écart entre deux pilotes à la veille de l’arrivée. En 2019, Pablo Quintanilla était parti 1’02’’ derrière… Toby Price, déjà lui. L’Australien avait atteint Lima en vainqueur, pour la deuxième fois de sa carrière après son succès de 2016. Le Chilien sur sa Husqvarna avait fini dans la douleur après une chute mémorable à la réception à plat d’un saut de dune. Demain, hormis une consigne d’équipe du clan autrichien, c’est un sprint de 153 km auquel on devrait assister. Avec peut-être à la clef l’écart le plus serré de l’histoire du Dakar entre le vainqueur et son poursuivant !
Sur le Dakar, quand un équipage perd pour une simple erreur de navigation ou de pilotage, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même et espérer faire mieux l’année suivante, mais quand c’est la mécanique qui faillit… il y a de quoi voir rouge. C’est justement ce qu’a vécu Martin Van Den Brink aujourd’hui. Pointé à une grosse demi-heure de Janus Van Kasteren au général en amont de la spéciale, Van Den Brink pouvait encore espérer monter sur la plus haute marche du podium à Dammam, mais c’était sans compter sur un problème mécanique lors de cette 13e étape, à la veille de l’arrivée. Le Néerlandais a dû s’arrêter après une cinquantaine de kilomètres pour mettre les mains dans le cambouis. Pendant ce temps, les minutes filent et la deuxième place au général avec elles ; Martin Macik, qui a lui aussi connu son lot de galères durant ce Dakar, a profité de l’occasion pour se hisser au deuxième rang de la hiérarchie. Quand on dit que le Dakar est intraitable…
La stat’ du jour : 3
World rally-raid Championship
Il aurait été osé de parier sur les chances de podium final de Lucas Moraes au soir de l’étape 6, lorsqu’il a hérité de la troisième place après les déboires subis dans la même journée par Stéphane Peterhansel, Carlos Sainz et Yazeed Al Rajhi. Pourtant le nouveau venu brésilien a su garder son sang-froid, plus qu’Henk Lategan qui le devançait encore à ce stade, et même lorsque Sébastien Loeb s’est lancé à sa poursuite. Certes, le plus jeune vainqueur du Rally dos Sertoes, la course de référence en tout-terrain au Brésil, a cédé sa position de dauphin de Nasser Al Attiyah face au festival du nonuple champion du monde de rallye dans son Hunter, mais il conserve à la veille de l’arrivée sa place sur « la boite », avec une marge confortable et flatteuse de 55 minutes sur Giniel de Villiers. Un rookie dans le trio de tête en autos, ce n’était plus arrivé depuis Juha Kankkunen, vainqueur en 1988, qui imitait tout simplement son illustre compatriote finlandais Ari Vatanen, débutant victorieux sur le Dakar en 1987. Au passage, la prestation de Lucas Moraes dépasse nettement le meilleur résultat obtenu chez les autos de pointe par un Brésilien : bien que Leandro Torres et Reinaldo Varela se soient imposés en SSV, respectivement en 2017 et 2018, c’est jusqu’ici Klever Kolberg qui détenait le record national avec la 8e place obtenue au terme de l’édition 2002. Battu.
Sauf coup de théâtre exceptionnel, Nasser Al Attiyah a déjà une main sur la première manche de la saison qui lui rapporterait demain 50 points contre 40 pour Sébastien Loeb. Mais sa prudence le prive de points précieux récoltés au panache quotidien par son dauphin et son record de victoires en spéciale décroché ce jour. Le Qatari a beau avoir terminé 2e du jour derrière le Français, il n’en reste pas moins qu’à la veille de l’arrivée, les deux adversaires à nouveau désignés de cette saison 2 sont virtuellement à égalité de points au championnat ! Pour rappel, l’année dernière l’épilogue du Dakar avait vu Nasser repartir de Jeddah avec un seul point d’avance malgré sa victoire sur la course. Si les deux champions sont à l’arrivée demain, le championnat sera très ouvert. La saison 2 va repartir de plus belle chez les autos ! Chez les motos, les écarts des poursuivants du podium actuel du général plaident assez nettement en faveur des deux officiels KTM Price et Benavides et du pilote Husqvarna Skyler Howes. Trois pilotes qui ne figuraient pas sur le podium final 2022. Les deux marques pourraient aussi engranger de gros points à la barbe du constructeur champion du monde en titre. Honda posté en 4e et 5e position avec Van Beveren et Quintanilla, ne pourrait pas ressortir aussi avantagé que l’an dernier.
Sur un air de Classic
La 3e édition du Dakar Classic touchait au but aujourd’hui puisque demain c’est en liaison que sa caravane rejoindra le golfe arabique. Ce soir, l’équipage Juan Morera et Lidia Ruba peut se féliciter d’avoir signé le premier quasi sans faute de l’histoire de la jeune course. Le couple espagnol aura en effet occupé la tête du général sans interruption depuis l’étape 2, ne laissant que les miettes de l’étape 1 à un autre couple de revenants, les Galpin dans leur Protruck. Et ce sont leurs amis Carlos Santaolalla et Aran Sol i Juanola qui les suivent au classement devant les Italiens Paolo Bedeschi et Daniele Bottallo. Les vainqueurs 2022 Serge Mogno et Florent Drulhon, 5e du général, se sont distingués en décrochant le Challenge Dune Test qui récompensait pour la première fois les performances dans les cordons dunaires. Du côté du Challenge Authentic Codriver, c’est un équipage arrivé avec toute l’instrumentation moderne qui a fait devant mauvaise fortune bon cœur.
Ne réussissant pas à faire fonctionner la technologie, ils se sont engagés dans le challenge des aventuriers de l’âge du crayon et du papier et ont remporté la mise ! Chez le très attendu Iconic Classic Challenge réservé aux véhicules ayant réellement déjà participé au Dakar, c’est un autre Toyota HDJ 80 qui s’impose. Car oui, tous les vainqueurs 2023 étaient engagés dans des « 80 ». C’est celui des Catalans qui signe la deuxième place du général qui avait pris part aux éditions 1994 et 1996 qui l’emporte. Pour la petite histoire qui fait les joies de l’Historic, ce véhicule avait appartenu à Jacky Ickx qui envisageait alors de s’engager sur le Dakar à son volant. Un projet qui ne vit jamais le jour mais qui trouve un écho en guise de clap de fin de cette édition puisque le pilote Belge, parrain de cette édition présent toute la quinzaine, aura finalement assisté à la victoire sur ce challenge de « son » véhicule sur le Dakar Classic !
La réaction du jour
Adrien Van Beveren : « Ce sera de loin mon meilleur Dakar »
« C’était une vraie journée de dunes. C’était assez piégeux avec cette luminosité pour voir les reliefs. Au début je me suis fait un peu tassé en sautant deux ou trois dunes, donc j’ai calmé le jeu. J’ai quand même attaqué tout ce que je pouvais. La navigation était complexe, il y avait un point où on a tourné un peu pour réussir à le trouver. Je suis satisfait de mon rallye, j’ai donné le max à chaque instant. Les stratégies et les conditions de course font que ce sera compliqué de concrétiser un rêve, mais j’ai fait un rallye hyper solide. Ce sera de loin mon meilleur Dakar. Et il reste une étape demain, rien n’est fini tant qu’on n’a pas passé la ligne d’arrivée. On va attaquer jusqu’au bout. »