CYCLISME : José BEYAERT remporte le TOUR DE COLOMBIE 1952
Nous retrouvons José Beyaert en Colombie où il s’est rendu pour l’inauguration du vélodrome de Bogota en compagnie de la fine fleur du cyclisme international…
Au fil des jours qui ont précédé l’événement, le Lensois a fait la connaissance du peuple colombien, il a trouvé des amis français vivant en Amérique du Sud et il a pu mesurer la popularité due à son titre olympique décroché à Londres en 1948.
Il a également profité de ce séjour pour s’intéresser au Tour de Colombie qui prépare sa deuxième édition.
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Le 11 janvier 1952, Beyaert est présent sur la ligne de départ. Il ne connaît pas ses adversaires, ni le parcours et il est titulaire d’une licence professionnelle alors que les règlements lui imposent une licence amateur… Qu’importe !
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Parmi les difficultés rencontrées lors de la première étape, il souffre d’une insolation. » Mon nez saigne comme une fontaine et je me mets la tête sous l’eau d’une cascade en montagne. L’abandon me trotte dans la tête. » José Beyaert n’est pas au bout de ses peines. Avec quelques coureurs d’un groupe où il a trouvé refuge, il s’arrête à 15 kilomètres de l’arrivée à Honda, devant une rivière. Il n’y a plus de route ! Tout le monde attend. Arrive alors un concurrent retardataire, celui-ci prend son vélo sur l’épaule et se lance dans la rivière pour passer de l’autre côté. .
José passe finalement la ligne d’arrivée sans trop de débours. La nuit n’est pas de tout repos, il n’y a pas d’hôtel, mais une installation spartiate : une chambre minuscule, des lits superposés… et pas de fenêtre. Mais le Tour de Colombie apporte aussi des satisfactions. José Beyaert remporte les deuxième et troisième étapes et gagne les étapes six et onze. Entre Humberto Varisco, le concurent direct à la victoire finale, et José Beyaert le duel s’intensifie. Le Lensois profite de cette course, inédite pour lui, pour découvrir la Colombie ce qui ne lui déplaît pas. .
Avant Medellin, la deuxième ville du pays, les crevaisons se succèdent. José répare sans cesse ses boyaux, mais le stock diminue, à un moment, plus aucun boyau en réserve. Un coureur s’approche alors de José Beyaert et lui tend son vélo… C’est un geste exceptionnel qui permet au Nordiste de rester au contact. En récompense, José Beyaert lui offrira un vélo neuf. .
Pour l’accompagner sur ce Tour de Colombie, José a choisi Didi, un homme qu’il a connu à Montmartre. Didi s’occupe de José pour le maintenir en forme et le protéger, son garde du corps en réalité. La lutte entre José et Varisco est à son comble pour la victoire finale. Didi, qui a l’œil sur tout, surprend l’incroyable subterfuge utilisé par l’Argentin pour conserver le contact avec le peloton. Quand c’est nécessaire, Varisco se fait tirer par une moto ! Il a entre les dents un bouchon relié à un fil accroché au deux-roues. À l’arrivée, Didi se rend dans le paddock de l’Argentin et menace de dénoncer la tricherie. Mais les hommes de Varisco ne se laissent guère impressionner : » Si tu parles, tu prends une balle ! «
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À Pereira, la capitale du café, le président de la République colombienne, Roberto Urdaneta Arbeàez, salue la victoire d’étape de son compatriote Sandy Valleiro. Il est ravi d’être présent sur la route du Tour à l’occasion de la victoire de ce Colombien, mais aussi très intéressé de remettre le maillot de leader au célèbre Français. Le président de la République parle un français académique et il a des questions à poser à José. .
En effet, Roberto Urdaneta Arbelàez regrette que la Colombie n’ait pas de cyclistes aux Jeux olympiques d’Helsinki. Les autorités du pays reçoivent des invitations pour le cyclisme au même titre que soixante-dix-neuf autres pays. Les Colombiens ne veulent pas honorer l’invitation au grand désespoir d’une partie de la population qui aime le cyclisme et naturellement des instances dirigeantes du pays pour qui le sport fait partie intégrante du développement du pays. .
Huit nations n’envoient pas de coureurs aux Jeux Olympiques en Norvège en juillet 1952 dont la Colombie. Le Président de la République discute de cette situation avec José. La discussion tourne autour des possibilités colombiennes de se faire une place au soleil dans le concert du cyclisme international.
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– Monsieur Beyaert, à votre avis, croyez-vous que la Colombie possède de bons cyclistes ?
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– J’en suis persuadé Monsieur le président. Ici, je côtoie des coureurs tout à fait capables de rejoindre une équipe en Europe.
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– Vous n’envisageriez pas de rester chez nous en Colombie pour y devenir… notre entraîneur national par exemple ?
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José reste bouche bée, incapable d’articuler un mot.
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– La Colombie a besoin d’hommes comme vous Monsieur Beyaert. Combien gagnez-vous par mois ?, poursuit le président colombien.
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– Je ne sais pas, c’est variable.
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– Que voulez-vous dire ?
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– Chaque mois est différent. Il y a des mois intéressants et d’autres plus modestes. Cela dépend des courses, des résultats, des primes.
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– Donnez-moi une moyenne…
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José Beyaert fournit alors un chiffre exorbitant, bien plus important que ce qu’il gagne en réalité. C’est le moyen qu’il a trouvé pour décliner l’offre tout en restant courtois à l’égard du président de la République.
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– Je vous offre le double, annonce aussitôt Roberto Urdaneta Arbelàez.
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– Monsieur le président, vous venez de trouver votre entraîneur national, lâche Beyaert estomaqué par cette proposition en forme de pont d’or.
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La course va reprendre ses droits avec une série de coups bas à l’encontre de José Beyaert. Mais le champion olympique, en colère, se déchaîne. Il s’impose à Ibagué. Les supporters de Varisco accusent le vainqueur de l’étape de s’être accroché à une voiture dans la montée des cols. D’autres prennent fait et cause pour José. Une bagarre s’en suit, un homme meurt poignardé ! José est impressionné par la fureur qui règne en Colombie pour son sport….
La dernière étape de ce Tour de Colombie est particulièrement indécise. José n’est pas encore au bout de ses peines car l’Argentin Humberto Varisco désire plus que tout le bouquet final. Il a affûté ses armes pour bondir sur la moindre occasion qui se présentera. José ne comptabilise pas une avance suffisante pour être à l’abri d’un retour de l’Argentin d’autant que cette ultime étape présente une particularité inquiétante pour un cycliste non averti. .
Roberto Serafin Guerrero, un des amis de José, prévient que le parcours final se dispute sur le sable. Humberto Varisco bénéficie d’un avantage certain car en Argentine bon nombre de courses se déroulent sur cette surface. Didi va résoudre le problème à sa manière. Il passe un accord avec les agents de Varisco en leur offrant 10 000 pesos contre la victoire finale. Le marché est conclu… .
José s’impose dans le deuxième Tour de Colombie de l’histoire. Il a 6 minutes et 24 secondes d’avance sur Varisco, deux mille cinq cents kilomètres dans les jambes et des escalades de malade. Mais aussi 10 000 pesos à payer. Mais il sourit en pensant à la proposition du président colombien. Profitant de sa victoire, José annonce officiellement sa décision de rester à Bogota. Il va devenir entraîneur national… .
En octobre prochain Jean Pierre Mortagne vous proposera l’histoire complète de José Beyaert et tout particulièrement ses 40 années passées en Colombie. Le mois prochain nous vous proposerons un nouvel épisode de la vie de José Beaert..
Jean-Pierre Mortagne, ancien grand reporter à Fréquence Nord et France Bleu Nord (groupe Radio France) a effectué 28 Tours de France et connaît parfaitement les milieux du cyclisme. Il s’est lancé depuis dix-huit mois sur les traces de cette figure oubliée du cyclisme français..
Au fil des mois à venir, avant la parution de ce livre, nous vous ferons partager plusieurs pages de cette histoire hors du commun.