VOILE : Vendée Globe – Semaine 11, dernier sprint avant l’arrivée
Attendue sur la ligne d’arrivée de son deuxième Vendée Globe à partir de dimanche après-midi, Clarisse Crémer continue de se battre pour une place dans le Top 10, tandis que chaque jour qui la sépare de la délivrance semble lui réserver une nouvelle surprise à gérer, un nouvel obstacle à surmonter.
Une traîne dépressionnaire désormais derrière elle, la skipper de L’Occitane en Provence s’apprête ainsi à négocier une dernière (?) dorsale anticyclonique, avant d’affronter un ultime (?) front et pouvoir enfin en finir, au plus vite et en toute sécurité.
Les derniers milles d’un tour du monde sont-ils toujours les plus longs ? C’est en tout cas le ressenti à bord de L’Occitane en Provence, alors que Clarisse Crémer continue de se creuser les méninges afin de rallier les Sables d’Olonne. Pas de dernière ligne droite toute tracée, dans des vents réguliers, à glisser sur une mer rangée, non. « Ces derniers jours de course sont loin d’être un long fleuve tranquille », confirmait la navigatrice, s’avouant un peu jalouse des conditions rencontrées par les premiers arrivés. « Les premiers n’ont pas conscience de la chance qu’ils ont eue en météo ! La dépression du groupe de devant nous attend désormais, avec beaucoup de mer prévue derrière l’anticyclone des Açores, environ 5 mètres de houle, et du vent jusqu’à 50 noeuds. Là, je fonce vers une dorsale, avant de retourner dans un front assez violent dès demain. C’est un peu bizarre comme fin de course, hyper intense, avec beaucoup de phénomènes météo qui s’enchaînent.» En ce début d’hiver, l’Atlantique nord a en effet décidé de jouer avec les nerfs de la flotte encore en mer, leur réservant chaque jour de nouveaux rebondissements, tantôt violents, tantôt plutôt lents. Les derniers jours de course nécessiteront donc une haute vigilance, ainsi qu’une concentration extrême, alors que la fatigue se fait de plus en plus présente et le trafic maritime de plus en plus dense.
Arriver, coûte que coûte
« Je sens la fatigue accumulée, ainsi qu’une peur plus accrue des avaries, expliquait Clarisse en début de semaine. Si proche du but, il faut être préparée à tout ! Je sais que j’arriverai à gérer toute situation, mais j’avoue que je fais un peu des incantations pour que mon bateau tienne jusqu’au bout, parce que c’est un peu violent ce que je lui fais vivre en ce moment, et ce n’est pas fini ! » À environ 3 jours d’en finir, l’objectif demeure ainsi, avant tout, de passer la ligne d’arrivée et d’amarrer le bateau aux pontons de Port Olona.
Mais avec Benjamin Dutreux toujours à portée et Samantha Davies aux aguets, la chasse au Top 10 se poursuit et Clarisse Crémer, comme ses adversaires, ne lâchera rien pour décrocher les plus beaux honneurs. Contrainte d’effectuer une pénalité de 60 minutes ce lundi, après la rupture accidentelle du plomb scellant l’un de ses sacs de survie, la skipper de L’Occitane en Provence est en effet plus déterminée que jamais à jouer le jeu de la course jusqu’au bout. La course au classement donc, mais aussi contre une dernière dépression qui menace de contrarier ses plans.
ETA : dimanche ou lundi ?
C’est en effet une véritable tempête qui la guette, attendue dans la soirée du 26 au 27 janvier, et qui semble toujours gagner en puissance. Une dernière épreuve à surmonter, avant de pouvoir, enfin, se projeter vers l’arrivée : « Il vaut mieux éviter de trop penser au nombre de bosses qu’il reste, sinon la déception guette. L’idée, c’est de les prendre les unes après les autres. Ce qui est compliqué, c’est cette incertitude : est-ce que j’arriverai dimanche ou non ? Tant que la dépression, qui est prévue ce jour-là dans le golfe de Gascogne, continue d’accélérer, il y a même une chance que je doive ralentir, et ça, c’est dur à encaisser moralement. Parce qu’au fond, on ne peut pas s’empêcher de se projeter sur une date de fin, même si on sait qu’on ne devrait pas. C’est une sorte de torture mentale, mais on l’accepte, parce que c’est la règle du jeu. »
Une « torture mentale » à laquelle elle s’est préparée, bien que parfois tentée de penser, une minute seulement, à son arrivée imminente. Quand exactement ? Elle-même ne le sait plus vraiment, « perdue dans les couloirs du temps » comme elle aime le dire : « Une partie de moi est déjà en mode « arrivée », ce qui n’est jamais idéal. J’ai cette sensation d’être plusieurs personnes à la fois : impatiente de toucher terre, un peu nostalgique à l’idée que cette aventure se termine, et en même temps soulagée à l’idée d’être sur le point de réussir. C’est ma spécialité de connaître plein d’émotions : un moment, tu te dis que tu ne voudrais échanger ta place pour rien au monde, et heureusement ces moments sont nombreux. Mais parfois, tu donnerais tout pour en finir. C’est un peu le roller-coaster de l’émotion ! »
Après plus de 75 jours de mer, le chamboulement ne peut qu’être compréhensible, d’autant plus au regard de l’incroyable performance que la navigatrice est sur le point de réaliser, après 18 mois intenses de préparation. « Je sens la fatigue qui me perturbe sous toutes ses formes, mes gestes plus lents, mes décisions moins lucides… et mes réactions plus émotives ! » écrivait-t-elle enfin, au moment d’envoyer une émouvante vidéo, larme à l’oeil et gorge serrée à l’idée de bientôt retrouver « quelques petites personnes qui me manquent… et une en particulier ! »… avant d’être ramenée à la réalité par une violente secousse, comme un retour express à l’instant présent. Bientôt viendra l’heure de savourer ce moment. Dimanche ou lundi, peu importe finalement, l’essentiel étant qu’elle arrive, au plus vite, mais en toute sécurité, pour retrouver ceux qui l’attendent !