VOILE : GUYOT environnement – Water Family – Benjamin DUTREUX : « A la suite d’un black-out, j’ai appris à bien gérer mes cycles de sommeil »
Lors d’une course, les marins sont confrontés à la privation de sommeil.
Sur le long terme, comme sur un Vendée Globe qui dure entre 70 et 120 jours, cela peut avoir de lourdes conséquences, notamment la fragilisation de l’immunité et un état dépressif. Pour eux, afin de pallier au mieux ce déficit, la technique la plus efficace consiste à adopter un rythme de sommeil polyphasique. Ils répartissent ainsi sur le nycthémère (période de 24 heures) plusieurs épisodes de sommeil courts et doivent être capables de s’endormir en quelques minutes, voire en quelques secondes. Pour cela, les uns et les autres ont chacun leurs astuces. Benjamin Dutreux, le skipper de GUYOT environnement – Water Family, livre ses petits secrets sur le sujet.
A terre, les navigateurs, comme les autres, dorment d’un sommeil monophasique et enchaînent donc des « dodos » de sept à huit heures d’affilées. En mer, qui plus est en solitaire, ils vont adopter un rythme de sommeil polyphasique et donc morceler leur sommeil. « Pour ma part, sur une tranche de 24 heures, je dors généralement entre 5 et 6 heures en fractionné, c’est-à-dire avec une alternance de siestes courtes (20 minutes) et de siestes plus longues (1 heure ou 1h30) », explique Benjamin Dutreux qui doit, de ce fait, être en mesure d’identifier les périodes les plus propices à un sommeil efficace et qui a naturellement développé des formes très particulières de récupération. « A terre, je suis plutôt un bon dormeur ! Mes nuits durent généralement entre 7 et 9 heures et je fais partie de ceux qui adorent traîner au lit le week-end ! », annonce le skipper de GUYOT environnement – Water Family, bien conscient que la qualité d’un sommeil fragmenté n’est en rien équivalent à celle d’un sommeil nocturne monophasique. Et pour cause : l’homme est programmé pour dormir la nuit ! La méthode de la respiration au carré
« Pour supporter la dette de sommeil lors d’une course, puisqu’il est, de toute façon, impossible de ne pas dormir, il est crucial de réussir à piquer du nez rapidement. Pour y arriver, notamment quand le stress ou l’adrénaline sont trop présents, j’utilise quelques techniques de respiration comme la méthode dite de la respiration au carré », détaille le Sablais. Dans le détail, cette formule, souvent également utilisée par les militaires, consiste à parcourir mentalement un carré, en alternant respiration et apnée. « Lors de la précédente édition du Vendée Globe, il y a quatre ans, je m’étais un peu brûlé les ailes au début de la course. J’avais mis beaucoup d’intensité sur les premiers milles et clairement trop peu dormi. Résultat : dans les alizés, j’avais fait un « black-out ». Je m’étais endormi pendant huit heures ! C’est à la suite de cette expérience que j’ai fait en sorte de mieux gérer mon sommeil ou plutôt ma dette de sommeil », relate le Vendéen qui aurait alors pu tout aussi bien manquer complètement de lucidité ou, pire, avoir des hallucinations et, par ricochet, faire de grosses bêtises. « J’ai ainsi appris à gérer mes cycles. Dans les zones de trafic ou lors d’une course de type transatlantique, je ne dors évidemment pas de la même manière que lors des phases un peu tranquilles que comportent un tour du monde », note Benjamin qui se souvient s’être autorisé à allonger ses siestes jusqu’à 1h30 et même deux heures, dans le Grand Sud, pour bien récupérer, lors de sa première participation à l’épreuve. Une foule d’alarmes au cas où…
« Selon le moment, je m’allonge sur mon matelas ou je m’installe dans le siège baquet. Si parfois le bateau va vite, qu’il est bien réglé et qu’il n’y a pas de danger immédiat, je ne m’empêche pas de prolonger un peu mon temps de repos en passant régulièrement une tête dehors pour contrôler que tout va bien », détaille le marin dont le 60 pieds IMOCA est équipé de nombreuses alarmes, pour son réveil évidemment, mais aussi pour lui signifier une évolution de la direction du vent ou le fait que son bateau n’est plus à 100% de sa polaire (vitesse à laquelle il est censé avancer), entre autres. « Elles sont programmées pour être assez violentes mais en réalité je me réveille toujours facilement, au moindre changement de bruit », précise Benjamin Dutreux qui sait l’importance de garder constamment à minima une belle forme physique et mentale pour faire marcher au mieux sa machine et prendre les bonnes décisions tactiques même si c’est évidemment bien plus facile à dire qu’à faire lorsque l’on évolue dans un milieu hostile avec du bruit incessant, des mouvements saccadés, de l’humidité et, bien souvent, une bonne dose de stress !