RALLYE : DAKAR 2023 – Étape 11, mission remontada !
Le grand jour de la percée dans l’Empty Quarter est arrivé. Après avoir longé la frontière des Émirats Arabes Unis hier, c’est maintenant celle du sultanat d’Oman que les pilotes et équipages approchent à quelques jets de pierre pour rejoindre un campement marathon, c’est-à-dire sans les équipes d’assistance.
Dans cette immensité désertique, il a été possible de proposer de la variété aux concurrents du rallye sur les 275 kilomètres de la spéciale. Des dunes à gogo, bien sûr, mais aussi de gigantesques chotts qui permettent d’aller titiller les vitesses maximales autorisées : 160 km/h pour les motos, 170 km/h pour les autos. À l’aise sur les deux variantes du jour, Luciano Benavides a clairement montré qu’il fait partie des hommes qui comptent dans sa catégorie. C’était déjà acté en ce qui concerne l’infatigable Sébastien Loeb.
L’essentiel
Les aléas, les grosses boulettes, les coups d’éclats sont si fréquents en rallye-raid qu’ils rendent toute les prédictions hasardeuses. La règle est valable à un mois du Dakar comme la veille, et se promène encore avec raison dans les esprits à une poignée de jours de l’arrivée. Le constat est évident à l’examen des classements motos, dont le leader a encore changé aujourd’hui, Kevin Benavides n’ayant occupé le sommet de la hiérarchie qu’une journée. Le vainqueur 2021 a été délogé par Skyler Howes mais reste dans le coup pour la gagne avec seulement 2’44’’ de retard, mais son coéquipier chez KTM Toby Price est encore mieux positionné, avec un mini-débours de 28’’.
Le contexte de proximité chronométrique au sein de l’élite donne surtout de l’appétit à Luciano Benavides, qui a navigué en retrait de ses rivaux en première semaine pour quelques minutes perdues, mais s’affirme comme l’homme en forme du moment. En démonstration sur les dunes de l’Empty Quarter, le pilote Husqvarna devient le premier triple vainqueur d’étape de la catégorie et commence à se rapprocher sérieusement des accessits qui valent la peine de se dépouiller. Le p’tit frère qui a bel et bien grandi se retrouve 6e, dans la roue d’Adrien Van Beveren, le plus gros perdant de la journée, pointant maintenant à plus de 15 minutes de Howes, l’autre officiel Husqvarna en pleine réussite.
La progression de Luciano Benavides a peut-être davantage de chances d’aboutir, mais reste toutefois moins spectaculaire que celle de Sébastien Loeb. Le Français fond doucement sur la deuxième place de Lucas Moraes, le Brésilien qui vend chèrement sa peau et conserve neuf minutes de marges malgré le festival alsacien qui tient l’affiche en Arabie Saoudite. En s’imposant sur le premier volet du marathon, Sébastien Loeb signe une quatrième victoire d’étape consécutive. Une telle série n’a été réalisée auparavant chez les autos de pointe que par Carlos Sainz (2009), Ari Vatanen (5 étapes de rang en 89, puis 4 en 1990) et Jacky Ickx (1982-83-84).
Certes, le recordman de victoires en rallye WRC fait mine de ne pas s’intéresser aux statistiques, mais elle s’accompagne ici d’un grignotage intéressant. Peut-être pas suffisant pour exercer une pression déstabilisante sur Nasser Al Attiyah, assis sur un avantage d’une heure et demie… De quoi dormir tranquille à la belle étoile sur le bivouac marathon. Ce ne sera pas le cas de Guillaume de Mévius, dont le duel avec Austin Jones en tête de la catégorie T3 a pris fin après une quarantaine de kilomètres sur une casse mécanique qui l’a bloqué pendant plus d’une heure et demie. Après s’être imposé en T4 l’année dernière, l’Américain a le champ libre pour mener à bien son changement de catégorie.
Dans le camp des Can-Am on peut toutefois s’inquiéter pour l’avenir en voyant le tir groupé réalisé par les Yamaha sur l’étape du jour (voir la perf du jour). En T4 en revanche, le match entre le champion du monde Rokas Baciuska et son challenger de 18 ans Eryk Goczal bat son plein. Avantage Lituanie sur l’étape 11, remportée par « Rokas la barraque » avec un petit bénéfice de 37’’ qui porte son avance à 4’17’’. Rien n’est joué chez les SSV. Janus Van Kasteren n’aura pas non plus les moyens de gérer la situation en tête des camions dans les prochains jours, avec seulement 1’12’’ d’avance sur Martin van den Brink, vainqueur de l’étape du jour.
La perf’ du jour
Le coup dur du jour
Il y a quelques jours, Joao Ferreira a offert à Yamaha sa toute première victoire d’étape au Dakar. Une belle performance pour le tout nouveau prototype de l’usine d’Iwata qui fait ses débuts dans la catégorie T3. Derrière son nom de code un peu mystérieux, le YXZ1000R Turbo est pourvu d’une motorisation dérivée d’une des motoneiges de la marque. Et dans l’Empty Quarter et ses dunes à perte de vue, quoi de mieux qu’une « motosable » pour en venir à bout ? Aujourd’hui, trois représentants du clan Yamaha ont fait le spectacle et ont mis tout le monde d’accord. Les chiffres sont là… Il suffit de regarder les écarts à l’arrivée. Ricardo Porem a empoché son premier scratch au Dakar devant Ferreira et Ignacio Casale, les trois hommes se tenant en une vingtaine de secondes seulement. À plus de six minutes derrière eux figurent un certain Seth Quintero, qui a pratiquement tout raflé sur son passage l’an dernier, et Austin Jones, nouveau leader au général. Ce n’est pas rien et ça en dit long sur les intentions de Yamaha en rallye-raid. L’usine nipponne en a peut-être terminé avec la moto, mais en T3, tout est encore à écrire.
Manuel Andujar avait quitté le Dakar 2022 sans pouvoir défendre sa couronne acquise l’année précédente chez les quads pour son 4e Dakar. L’Argentin avait abandonné dans l’étape 6 sur une chute qui avait détruit son quad. Cette année, il comptait prendre sa revanche sur Alexandre Giroud qui en avait profité pour lui ravir la coupe. Mais ses espoirs avaient rapidement pris du plomb dans l’aile dès l’étape 3 alors qu’il laissait filer une heure sur le Français. Revenu 3e du général depuis hier, le compatriote de Messi ne reproduira pas le score de la finale de la coupe du monde de football face à Giroud, l’homonyme du buteur des bleus. C’est le 2e abandon coup sur coup pour l’Argentin en 6 participations consécutives. Mais Giroud n’a pas encore conservé la coupe. Francisco Moreno Flores est 2e du général, certes à plus d’une heure, mais il est lui aussi Argentin !
La stat’ du jour : 2
World rally-raid Championship
Un vent de fraîcheur souffle sur le Dakar depuis quelques années avec l’arrivée de nombreux rookies tous aussi talentueux les uns que les autres. Seth Quintero, Mason Klein… tous ont marqué les esprits. Pour cette 45e édition du plus grand des rallyes-raids, ils sont encore plus nombreux : Eryk Goczal, Lucas Moraes, Michael Docherty, Mitchel Van Den Brink pour n’en citer que quelques-uns. Deux d’entre eux retiennent davantage l’attention aujourd’hui. Eryk Goczal n’est autre que le fils de Marek et le neveu de Michal, qui ont à eux deux cumulé huit victoires d’étapes l’an dernier. Son père lui a transmis la passion de la course dès son plus jeune âge. Pour sa première participation, le dernier venu des Goczal n’a mis que deux jours à devenir le plus jeune vainqueur d’étape sur le Dakar. Le jeune Polonais n’a jusqu’ici commis aucune erreur et au soir de l’étape 11, il occupe la deuxième place du général derrière Rokas Baciuska, le champion du monde en titre en T4. Chez les autos, Moraes n’a pas froid aux yeux non plus.
Troisième de la Baja Aragon l’an passé derrière Nasser Al Attiyah et Yazeed Al Rajhi, il dispute son premier Dakar avec pour seul objectif de finir dans le Top 10 d’une spéciale… Le Brésilien, épaulé de Timo Gottschalk, ancien copilote d’Al Attiyah entre autres, fait beaucoup mieux puisqu’il n’a en fait manqué le Top 10 qu’à deux reprises. Sur le podium pour la première fois au terme de la dixième étape, il occupe lui aussi la deuxième place du général. Certes, il pointe à plus de 1h20’ d’Al Attiyah, mais, fort d’une régularité à toute épreuve, il est devant Sébastien Loeb, vainqueur de cinq spéciales cette année. Goczal et Moraes tiendront-ils jusqu’au bout ? Rendez-vous dimanche !
En remportant 4 spéciales d’affilée, Sébastien Loeb démontre, s’il en fallait la preuve, que le nonuple champion du monde de WRC a le talent et surtout l’envie de repartir en quête de son dixième titre mondial en 2023. Sauf coup du sort, Nasser Al Attiyah devrait continuer de dévaler avec prudence les toboggans de l’Empty Quarter jusqu’à l’arrivée afin de sécuriser son 5e sacre sur le Dakar. Loeb joue la carte opposée, celle de l’offensive en allant chercher chaque jour les 5 points offerts au vainqueur d’étape par le W2RC. Virtuellement, si les deux rivaux restent à leurs positions actuelles de 1er (50 points) et 2e (40 points) du classement de la première manche, au moment de compter les étoiles pour s’endormir au bivouac marathon, Sébastien Loeb en comptera seulement 3 de moins que son rival grâce à ses places d’honneur en spéciale. Avec 3 étapes à venir, le pilote Bahrain Raid Xtreme peut s’endormir et croire en son rêve. Et il pourrait même bien décrocher la lune et repartir du Dakar avec plus de points au championnat que le vainqueur de la manche. Ce serait une première.
Sur un air de Classic
Frédéric et Magali Barlerin avaient plusieurs objectifs en s’engageant cette année sur leur premier Dakar Classic. Pour lui le motard qui avait tenté sans succès sa chance en 2019 avant de venir à bout de la course en 2021, sans assistance s’il vous plait, mais avec le soutien sur place de son épouse, il s’agissait de partager la course en couple. Pour leur buggy Strakit qui avait participé une seule fois au Paris-Dakar 1982 sans voir l’arrivée, il s’agissait de conjurer le sort 40 ans plus tard. Sur la 4e édition du Paris-Dakar, ce buggy au moteur Peugeot n’avait pas dépassé la journée de repos de Gao. Comme cette année, la course comptait 14 étapes et la fin de la première semaine avait sonné après 8 étapes. Hier au bivouac Marathon de Haradh réservé aux engagés du Dakar Classic, les Barlerin avait réussi à emmener le plus vieux des véhicules historiques de la caravane 2023 au-delà de la journée de repos. Un premier soulagement, mais le couple retient encore son soufflé.
La réaction du jour
Luciano Benavides
« Encore une étape rapide, j’aime beaucoup l’Empty Quarter, j’aime ce type de terrain, on attaque comme en motocross. J’avais beaucoup de traces devant, il fallait faire attention, j’ai râté quelques passages mais je ne suis pas tombé, rien n’est arrivé à la moto, pas de gros impacts sur les roues, c’est bien pour demain. Ce n’est pas une bonne position pour demain mais je suis confiant dans ma navigation, c’est ce que j’ai fait les jours précédents et si je dois le refaire demain je serais en confiance. Si c’est ma troisième victoire de spéciale, c’est incroyable. »