VOILE : Route du Rhum – Destination Guadeloupe – François GUIFFANT et Kattan au bout de leur rêve !
Après 16 jours 19 heures, 6 minutes et 40 secondes, François Guiffant, à bord de l’Imoca KATTAN, a coupé samedi, à 9h21 (heure métropole), la ligne d’arrivée de la 12e édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe, entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre.
Plus de 16 jours de course où le skipper est allé au bout de lui-même et a dû trouver les ressources pour se sortir de situations parfois extrêmes. Une combativité et une abnégation à l’image du message porté par l’association Kattan.
C’est un combat de quasi chaque instant. Une lutte contre les adversaires bien sûr, mais avant tout une lutte contre les éléments, contre la fatigue et plus que tout, une lutte contre soi-même. Dans la nuit de vendredi à samedi, sous le ciel étoilé de Guadeloupe (samedi matin, en métropole), François Guiffant (Fanch) a bouclé sa première Route du Rhum à bord de l’IMOCA KATTAN. Un rêve ancré en lui depuis tant d’années, un rêve devenu enfin réalité, après 16 jours 19 heures, 6 minutes et 40 secondes (31e place) pour parcourir 4276,3 milles (environ 7920 km) à la vitesse moyenne de 10,61 nœuds (environ 19,6 km/h).
Désigné à la barre du bateau tardivement (moins de deux mois avant le départ), Fanch a su compenser le temps très réduit de préparation par une volonté et une expertise de chaque instant. La route vers la Guadeloupe n’eut pourtant rien d’un long océan tranquille avec notamment la casse de l’étai de J2 (hauban situé à l’avant du bateau soutenant le mât pour l’empêcher de tomber vers l’arrière) qui fit craindre quelques heures à l’abandon. Le soutien de ses proches, de Pierre Lacaze, propriétaire du bateau et de toute l’équipe de l’association Kattan, de ses deux préparateurs, Aymeric Belloir et Corentin Cusant, permit pourtant à Fanch de reprendre sa route… et d’aller cueuillir son rêve.
FRANÇOIS « FANCH » GUIFFANT
Sa course
« C’était un joli Rhum malgré la casse de mon étai de J2 en début de course. Après avoir cassé, ça prend un peu de temps à retrouver de la confiance dans le gréement, car on a peur que ça recasse. Ça m’a aussi pris beaucoup d’énergie de remettre le bateau en route. Après les nerfs sont retombés, et j’ai eu des moments où je me suis carrément écroulé. Pendant les trois jours au près après la casse, je ne pouvais pas faire grand-chose. Je subissais au lieu d’être acteur. J’étais obligé d’être sous toilé. Je n’avançais pas. J’ai eu des après-midis où j’ai fait 30 milles, et psychologiquement, c’était hyper dur. Au départ, on se fait plein de scénarios mais je ne m’étais pas fait celui-là. Il arrive, il faut l’accepter. La voile est un sport mécanique. Pendant toute la course, la vigilance rythme le quotidien. »
Un travail d’équipe et un partage
« Je suis très content de finir et surtout de finir avec l’appui de Pierre et de l’équipe avec Aymeric Belloir et Corentin Cusant. Au moment de la casse, il n’y a pas eu d’hésitation de Pierre pour poursuivre la course. J’ai aussi eu beaucoup de retours des jeunes de Kattan et j’ai eu l’impression de partager des choses au-delà de l’aspect sportif. On apprend beaucoup sur soi. C’était un gros voyage mais aussi un rêve pour moi depuis longtemps. Il y a eu des gros hauts et des gros bas mais à la fin, c’est positif. Je me suis éclaté. Je savais que j’avais un déficit d’entraînement mais j’ai réussi à mettre des choses en place, à trouver des choses sur le bateau, à me connaître mieux, à être plus à l’aise. C’était chouette et ça donne envie de continuer. Même si là, maintenant, je vais me reposer avant de ramener le bateau avec les amis de l’équipe. »
« On n’est pas seul même quand on fait du solitaire »
« Ces 16 jours sont un peu un raccourci de la vie. C’est aussi un message à partager avec les jeunes de l’association Kattan. Tous les jours, il y a un combat à mener. Mais on peut être aidé pour le mener. Il ne faut pas lâcher tout de suite. La vie a souvent des côtés durs mais à plusieurs on peut résoudre les problèmes. On n’est pas seul même quand on fait du solitaire ! »
Pierre Lacaze (propriétaire du bateau et cofondateur de l’association Kattan)
« Je suis extrêmement heureux pour Fanch. Je n’ai jamais douté qu’il allait le faire. S’il y avait quelqu’un qui pouvait y arriver, c’était bien lui. C’était un projet important pour lui. Il n’a pas eu beaucoup de temps pour se préparer et malgré tout, alors que les conditions étaient très difficiles, il n’a rien lâché et il est allé jusqu’au bout. Je suis très fier de sa performance. Il a fait un très beau départ puisqu’il a même pointé au 6e rang à un moment. A partir de la casse de l’étai de J2, malheureusement, il perd sans doute une dizaine de places sur son classement final. Mais ce n’est pas très grave. Il a montré au départ qu’il était capable de mener ce bateau comme il le fallait. Il a été très courageux. Pendant une journée et demi, on a cru qu’il allait devoir abandonner, mais il n’a rien lâché. Même les alizés n’ont pas été faciles. Ce fut une course exigeante jusqu’à la fin. Avec Fanch, Corentin (Cusant) et Aymeric (Belloir), nous nous parlions tous les jours. Il n’en a pas eu beaucoup car il est dur au mal, mais quand on sentait qu’il avait un petit coup de mou, on essayait de lui dire qu’on l’aimait et que ça allait le faire. Fanch pouvait aussi compter sur l’enthousiasme des jeunes de l’association Kattan ; nous lui transmettions les nombreux messages d’encouragement qu’ils nous envoyaient. Cette course avait du sens non seulement pour son équipe proche mais aussi pour un cercle plus large. C’est motivant de savoir qu’il y a tous ces aficionados qui pensent à vous et qui vibrent avec vous. C’est le paradoxe de ces courses. On est en solo mais on a beaucoup de monde derrière soi. Il était heureux d’être sur le bateau, il était là où il avait envie d’être. Il mérite cette course. Il nous a fait rêver et vibrer pendant deux semaines. »
RETOUR SUR 16 JOURS D’UNE LUTTE PERMANENTE
Mercredi 9 novembre, 14h15. Le départ est donné au large de Saint-Malo. Un peu trop pressé, Fanch a légèrement anticipé et coupé la ligne quelques secondes trop tôt. Il écope d’une pénalité de 4 heures (obligation dans les 48 heures, d’annoncer une position au jury et d’y repasser quatre heures plus tard). « Je savais que j’étais un peu chaud. Cela m’a affecté mais je ne me suis pas apitoyé sur mon sort. J’ai réalisé ma pénalité sans trop perdre de terrain car les autres luttaient sans trop de vent. »
Après une sortie de Manche éprouvante puis plusieurs traversées de fronts, KATTAN, à l’aise dans la navigation au près (vent de face), effectue un très beau début de parcours et s’installe entre le top 10 et le top 20 de sa catégorie, parvenant même à faire jeu égal avec des bateaux plus récents potentiellement plus performants.
Et soudain un grand bruit…
Dans la nuit du dimanche 13 novembre, KATTAN est victime d’une avarie, à 500 milles à l’est des Açores, sous un vent de 15-20 nœuds. À 1h30 TU (2h30 en Métropole), il contacte la direction de course pour l’informer du bris de l’étai de J2. Fanch raconte sa mésaventure. « Je faisais un peu de sud avant de relancer dans l’ouest et d’un seul coup, j’ai entendu un gros pan ! Je suis vite sorti et j’ai vu que l’étai de J2 était par terre. C’est un peu comme si le mât ne tenait plus qu’avec des bretelles. J’ai affalé, je me suis battu pour récupérer la voile dans l’eau et ensuite j’ai mis des bouts pour remettre de la tension sur le mât. » Après avoir imaginé se dérouter vers Lisbonne, la décision est prise de réparer en mer. « J’ai contacté Eric Cochet, le gréeur référence qui connait bien ce bateau, explique le skippeur. Avec l’équipe de KATTAN, on n’avait pas du tout envie d’arrêter là. J’ai eu Pierre (Lacaze) et il m’a redonné la patate ! »
Fumée blanche à bord
Toucher l’alizé est une première libération mais ne signifie pas automatiquement un accès direct via l’autoroute vers la Guadeloupe. Mardi 22 novembre, nouvelle frayeur. « Le circuit d’eau de refroidissement a dû se boucher avec une algue, et il y avait de la fumée partout dans le bateau. J’ai pris l’extincteur, il y avait du liquide de refroidissement partout, ça fumait blanc et, j’en m’en suis pris plein la figure. Après vérification du circuit, le dépôt qui bouchait le circuit est parti mais c’est toujours impressionnant quand on voit la fumée sortir du bateau. »
Pointe-à-Pitre se rapproche. Mais la vigilance reste obligatoire. « Il y a encore des grains et le ciel n’est pas vraiment accommodant. J’ai encore croisé un cargo d’assez près car mon système AIS (Automatic Identification System), fonctionne avec une antenne de secours et il y a toute une partie du bateau sous le vent pour lequel de système de détection est inopérant. Mais on se rapproche, il fait chaud, ça fait du bien ! »
Vendredi 25 novembre, Fanch et KATTAN passent la Tête aux Anglais, au nord de la Guadeloupe. Encore quelques milles et la libération. En pleine nuit antillaise, à 4h21 à Pointe-à Pitre, 9h21 en métropole, Fanch et KATTAN terminent leur première Route du Rhum !