VOILE : Route du Rhum-Imoca, Fanch à la barre de Kattan
Surnommé par tous « Fanch », François Guiffant prendra le départ de la Route du Rhum Destination Guadeloupe, le 6 novembre prochain, entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre .
Sur le plus ancien monocoque de la flotte Imoca, vainqueur en 2006 avec Roland Jourdain, le Breton, appelé à la barre par Pierre Lacaze, participera à sa première Route du Rhum sous les couleurs de l’association Kattan qui œuvre pour l’insertion des jeunes de zones d’éducation prioritaires dans les entreprises.
Dimanche 6 novembre, au large de Saint-Malo, un des 37 bateaux de la classe Imoca attirera sans doute de nombreux regards. Pas de grand nom de sponsor sur ses voiles ou sur sa coque. Juste un œil. Un œil géant dessiné sur les voiles par le Français JR. À sa barre, François Guiffant. À 49 ans, celui que tout le monde appelle Fanch est un marin expérimenté. Préparateur de nombreux bateaux, notamment avec Jérémy Beyou mais aussi Vincent Riou, Samantha Davies, Michel Desjoyaux (à l’époque des Orma), ou encore Jean-Pierre Dick, régulièrement « boat captain » sur plusieurs projets, le Breton a commencé à travailler avec Pierre Lacaze, propriétaire du bateau, sur la Transat Jacques Vabre 2017 et aurait même pu participer à sa première Route du Rhum dès 2018. La difficulté à boucler le budget le contraignit à renoncer à quelques semaines du départ.
« JE ME NOURRIS DES GRANDES HISTOIRES DE LA ROUTE DU RHUM »
Après avoir assuré la qualification du bateau (1200 milles en solitaire dont au moins 120 milles au près dans au moins 25 nœuds de vent), Pierre Lacaze, skipper amateur aguerri avec une 10e place sur la Transat Jacques Vabre 2017 en compagnie de Yoann Richomme, a dû renoncer (problème médical). À l’image de l’association Kattan dont il est l’un des fondateurs et qui œuvre pour ouvrir de nouvelles portes aux jeunes de zones d’éducation prioritaires, Pierre a souhaité donner sa chance à François en lui donnant « les clés du bateau ». « J’avais déjà travaille avec Fanch en 2016/2017, explique Pierre. Il était le directeur technique de ce nouveau projet. Il mérite cette course. Quand j’ai compris que je ne pourrai pas naviguer, je lui ai immédiatement proposé de skipper le bateau. Je le connais depuis longtemps. C’est un vrai marin, de confiance, adorable. Ça me fait plaisir pour lui. » Fanch n’a évidemment pas hésité une seconde. « J’étais d’abord très déçu pour Pierre, confie le nouveau skipper. La Route du Rhum, ça représente mes premiers rêves de large. J’ai l’impression d’avoir toujours eu cette course en moi comme quelque chose d’exceptionnel à réaliser un jour. Ce sont des grands noms, de grandes histoires. Je relisais encore il y a quelques jours le récit d’Halvard Mabire et de ses participations dans les années 90. Je me nourris de ça, c’est mythique. » Dès l’appel de Pierre, Fanch a dû vite retrouver ses repères et se replonger dans le contexte de la compétition. « Le temps d’entraînement a été très réduit, insiste-t-il. D’autant plus que ces derniers mois, j’ai beaucoup skippé en classique sur Moonbeam IV, un plan Fife de 1914. Il fait 35 mètres, 40 mètres avec bout-dehors, et nous étions 22 à bord ! Mais j’ai la chance de bien connaître Kattan. Il est ancien certes mais il affiche encore de jolies performances. Il est propre, élégant et a une sacrée histoire. Il a quand même gagné le Rhum ! »
NAVIGUER EN SOLITAIRE, UNE EXPÉRIENCE UNIQUE
Le skipper devra aussi se replonger dans l’approche très particulière d’une course en solitaire. « Naviguer en solitaire demande plus de vigilance. Ça demande aussi de savoir où l’on pose ses limites en acceptant de voir les foilers partir alors qu’on pousse le bateau autant qu’eux. Le solitaire c’est aussi aller chercher certaines choses qu’on ne trouve pas ailleurs. Il faut gérer, on est responsable de tout et c’est aussi ça que j’aime beaucoup. » Entouré par Aymeric Belloir et Corentin Cusant, les deux préparateurs du bateau, Fanch a entamé le compte-à-rebours jusqu’au départ. « Nous allons naviguer cette semaine en faux solo au large sur des sessions de trois jours et deux nuits, explique le skipper. Les bateaux doivent arriver à Saint-Malo vers le 25 octobre ce qui ne laisse plus trop de temps. On va profter du convoyage pour faire trois jours en mer, en fonction évidemment des conditions météos car ce serait dommage de casser le bateau avant. »
LE VENDÉE GLOBE EN LIGNE DE MIRE
Malgré l’ancienneté du bateau, Fanch est convaincu du potentiel de son bateau. « Dans certaines conditions de mer et de vent, il peut encore batailler avec des bateaux plus récents, estime-t-il. Évidemment sans foil et avec un peu de poids en trop, il reste en retrait au portant. » Pierre Lacaze croit lui aussi à la qualité de son monocoque, basé à Port-la-Forêt. « Avant toute chose, ce qui m’importe c’est de retrouver Fanch en Guadeloupe en pleine forme, commente-t-il. Mais j’aimerais aussi qu’il fasse un bon début de course. S’il y a un peu de mer et de la navigation au près au départ, sur les trois ou quatre premiers jours, il peut créer la surprise. Après, dans les alizés, ça redeviendra plus compliqué. » Au-delà de la Route du Rhum, les deux hommes se projettent déjà vers une autre échéance : le Vendée Globe 2024. « Pour l’instant le bateau ne peut pas être qualifié, précise Fanch. Une nouvelle règle stipule que les bateaux avec un certificat de jauge établi avant le 1er janvier 2005 ne sont pas autorisés à faire le Vendée même s’ils restent dans la classe Imoca. Mais des bateaux comme celui de Pierre sont en très bon état, parfaitement entretenus et encore compétitifs. Kattan correspond à tous les critères, notamment sur la sécurité. »
La Route du Rhum sera donc également une très belle opportunité de prouver que le doyen de la flotte a encore un très bel avenir.