TRAIL : Mile & Stone N°60 – Jospeh MESTRALLET : « D’ici cinq ans, l’utilisation des data sera obligatoire pour gagner l’UTMB »²
Data scientist présent aux côtés de Tom Evans et Ruth Croft lors de leur UTMB 2025 victorieux, Joseph Mestrallet (28 ans) incarne le virage de la scientifisation à l’œuvre dans le trail.
Pour Mile & Stone, le créateur de la start-up Enduraw décrypte son travail et répond aux questions soulevées par l’irruption des data dans la discipline. Tu as été mis sous les feux des projecteurs après les victoires à l’UTMB de Tom Evans et Ruth Croft, à qui tu as proposé des plans de pacing générés grâce aux data, comment as-tu vécu cette exposition ?
Gagner l’UTMB, c’était l’objectif. On s’est battus pour ça pendant deux ans, ce n’était pas vraiment une surprise. En revanche, je ne m’attendais pas au tourbillon qui a suivi. C’était largement au-dessus de ce qu’on pouvait espérer, je n’étais pas prêt à tout ça. Mon but était juste de bien faire mon boulot de data scientist. Les médias se sont un peu emballés par rapport à l’impact réel que j’ai pu avoir. Mon explication, c’est que les data sont quelque chose d’assez nouveau, avec un côté sexy parce que cela raconte la professionnalisation et la scientifisation de ce sport. Les médias ont eu ce sujet sous la main et s’y sont engouffrés. Tu es originaire de la vallée de Chamonix, qu’as-tu ressenti quand tu t’es retrouvé entre les deux vainqueurs pour la photo sous l’arche d’arrivée ?
J’étais à deux doigts de pleurer, c’était incroyable parce que je passe tous les jours dans cette rue. C’est l’aboutissement de beaucoup de travail, contre vents et marées au début, parce que personne n’y croyait. Quand je me suis lancé, j’ai mangé des pâtes pendant deux ans. J’ai bossé comme un malade avec des semaines à 90, 100 heures de boulot. J’y croyais dur comme fer. Sous cette arche, je me suis dit que tous ces sacrifices valaient le coup. Peux-tu nous rappeler comment tu en es arrivé là ?
J’ai eu la chance de faire un mémoire de thèse sur un sujet libre lorsque j’étudiais à Berkeley, aux Etats-Unis. Comme j’ai deux passions, les mathématiques d’un côté, le sport et la compétition de l’autre, j’ai choisi comme sujet les facteurs de la performance dans les sports d’endurance. J’avais été marqué par le film Moneyball, [Le stratège en français, dans lequel les personnages joués par Brad Pitt et Jonah Hill bâtissent une équipe de baseball compétitive malgré des ressources limitées grâce aux data, NDLR]. Je me suis dit : « Je veux être ces personnes », qui relient la science et le sport, la performance et les émotions. Le trail était un milieu fermé où il n’y avait pas beaucoup d’argent, mais je voulais réussir à tout prix. Je me suis donné six mois pour voir. L’année de la création de ma boîte, en 2023, j’ai fait 250 € de chiffre d’affaires qui correspondait au travail que j’avais produit pour le plan de pacing de Ruth Croft à l’UTMB. Elle n’avait pas pris le départ parce qu’elle était malade, mais elle avait quand même tenu à me payer. Qu’une athlète pro donne de la valeur à ce travail, c’était déjà un énorme marqueur qu’il y avait quelque chose qui était en train de se passer autour de l’intérêt pour les data. Après, c’est parti très vite grâce à un travail de fond dans les médias, et maintenant ça tourne vraiment bien (230 000 € de CA en 2025).

















