TRAIL : Mile & Stone N°60 – Jospeh MESTRALLET : « Quatre ans pour tester différents business models »
Data scientist présent aux côtés de Tom Evans et Ruth Croft lors de leur UTMB 2025 victorieux, Joseph Mestrallet (28 ans) incarne le virage de la scientifisation à l’œuvre dans le trail.
Pour Mile & Stone, le créateur de la start-up Enduraw décrypte son travail et répond aux questions soulevées par l’irruption des data dans la discipline.
Quels sont tes outils de travail ?
C’est purement mathématique, il n’y a rien de très sexy. J’utilise le langage de programmation Python. Ce sont des lignes de codes. Je récupère les données issues de tests, de la montre et de différents capteurs, mais aussi des données subjectives comme le RPE (rating of perceived exertion, soit le niveau d’effort perçu). Et grâce à ça, je fais tourner mes modèles. Toutes ces données nous permettent d’établir des prédictions. Tu es aussi sur le terrain ?
En data, on dit : « Garbage in, garbage out », ce qui signifie que des données de mauvaise qualité donneront de mauvaises informations. Il faut donc aller chercher les bonnes données sur le terrain. A Chamonix, on a un laboratoire qui me permet de faire passer des tests aux athlètes. Cela représente beaucoup d’argent mais c’est nécessaire. Tu as aussi fait l’assistance de Tom Evans lors de l’UTMB, cela sort du cœur de la mission de data scientist, non ? Je suis d’accord, mais j’ai du mal à dissocier les deux. Déjà parce que j’aime être au cœur de l’action. Ensuite, parce que ça me permet de regarder un peu ses capteurs, de savoir s’il va bien et d’observer la concurrence. On ne peut pas être un bon data scientist si on n’a pas le côté terrain.
Quelles sont les autres activités de ta start-up Enduraw ?
Je me suis laissé quatre ans pour tester différents business models. Aujourd’hui, la plus grosse partie du chiffre d’affaires vient des missions de consulting pour des entreprises du milieu du sport. Il y a ensuite l’accompagnement des athlètes de haut niveau, dont on vient de parler, et la partie média, c’est-à-dire la création de contenus pour essayer de mieux faire comprendre les sports d’endurance et faire notre promotion auprès des marques. Nous travaillons aussi sur la création d’un centre de performance à Chamonix, un chalet avec une vingtaine de chambres capable d’accueillir des athlètes pour les tester en laboratoire. Enfin, le quatrième pilier, le plus intéressant actuellement, c’est la partie grand public. Nous proposons plusieurs produits, dont nos plans de pacing personnalisés, par exemple pour l’UTMB, pour 30 €. Cette offre découle du travail que nous menons avec les élites, c’est la théorie du ruissellement. Évidemment, c’est automatisé, on ne sera jamais aussi précis que pour un athlète de haut niveau, mais si on veut toucher la masse, on est obligé de passer par là. La réflexion, actuellement, c’est justement de savoir si on pousse vers le BtoC. A priori, j’ai plus une vision BtoB, je préfère me focaliser sur l’expertise scientifique. Cela dit, pourquoi propose-t-on ce service sur le site ? Pour montrer qu’on a beaucoup de personnes intéressées et qu’on peut créer un business. Nous avons d’ailleurs reçu une centaine de commandes de plans de pacing.
D’autres athlètes élites t’ont-ils contacté après l’UTMB ?
J’ai collaboré avec Aurélien Dunand-Pallaz sur la Diagonale des Fous (3e place) via Nutripure [dont il est par ailleurs manager de la performance, NDLR]. Cela a permis de récolter des données pour une collaboration éventuelle autour d’un futur projet. D’autres athlètes m’ont contacté, cela se concrétisera peut-être d’ici quelques semaines.

















