RALLYE RAID : DAKAR 2025 – J-1 – La piste aux exploits
Il est maintenant l’heure de se tourner vers l’action, après des mois de préparation pour les pilotes et équipages qui prennent part à la 47e édition du Dakar et qui viennent d’achever entre les rafales de Bisha les vérifications techniques et administratives (chiffres officiels des partants à venir).
Les concurrents ont chacun leur défi, celui du tenant du titre en autos Carlos Sainz étant de conserver sa position, ce qui lui permettrait de revenir à la hauteur de Nasser Al Attiyah avec cinq victoires. Mais l’opposition n’a jamais été aussi relevée dans la catégorie, qu’elle vienne des Dacia, des Mini ou encore des 16 Toyota Hilux, menées entre autres par le porte-drapeau saoudien Yazeed Al Rajhi. À moto, le challenge majeur pourrait bien être celui d’Adrien Van Beveren de parvenir à s’imposer à sa dixième participation, tandis que la catégorie SSV sera animée par un grand match entre les Polaris emmené par Xavier de Soultrait et les Can-Am du grandiose « Chaleco » Lopez, auteur d’une reconversion exemplaire depuis sa première carrière à moto. Les anciens quadeurs passés au Challenger, comme Alexandre Giroud ou Nicolas Cavigliasso, pourront s’inspirer du parcours du Chilien pour tenter de s’imposer avec un volant après avoir quitté les guidons. Un nouvel horizon s’ouvre aussi dans la catégorie camions et en particulier dans le team De Rooy qui accueille à la fois Ales Loprais et Vaidotas Zala. C’est aussi de nouvelles perspectives que sont venus chercher les candidats à l’opération « Saudi Next Gen », dont l’évaluation a d’ores et déjà commencé. Demain, les débats commencent tôt dans la matinée pour les motards, qui se lanceront à 7h45 dans un prologue de 29 kilomètres, les autos étant convoquées à partir de 10h35.
MISSION EGALISATION POUR CARLOS SAINZ
Carlos Sainz a fait son entrée sur le Dakar en 2006, deux ans après Nasser Al Attiyah. Il a été le plus précoce pour inscrire son nom au palmarès, en 2010, mais le champion Qatarien l’a ensuite dépassé pour empiler 5 trophées sur ses étagères. Avec son quatrième succès au volant d’une Audi hybride l’année dernière, « El Matador » est revenu dans le match et se verrait bien égaliser dans le tout nouveau Ford Raptor que l’équipe M-Sport lui a confié. Son rival des 18 dernières années se trouve dans des conditions similaires avec le Sandrider de Dacia, et l’étape 48h Chrono qui se présente dès la troisième journée pourrait bien être une séquence décisive dans ce duel : « Il faut passer cette première semaine en bonne position, ce qui sera difficile puisque nous allons nous retrouver à deux reprises sans assistance. Question stratégie, l’année dernière j’avais ralenti dans l’étape d’avant et cela m’avait permis de gagner du temps dans la 48h Chrono. Mais cette fois-ci elle est précédée d’une étape de 400 km, donc c’est très délicat de calculer. L’autre difficulté, c’est qu’il y aura beaucoup plus de distance à couvrir sans les traces des motos sur ce Dakar, le travail d’ouverture sera donc difficile et pénalisant ». La tactique et la vitesse sont au cœur du jeu, et le tenant du titre a bien conscience qu’il devra se montrer à la hauteur dans ces deux registres pour défendre sa position. « Avec une nouvelle voiture, c’est encore un autre chapitre à ouvrir. Je suis raisonnablement confiant avec ce que j’ai vu sur le Rallye du Maroc. Nous avons l’édition la plus ouverte que je n’ai jamais vue, avec quatre constructeurs capables de s’imposer. J’espère que nous serons tous dans la bagarre ». Pour bonifier les chances du Raptor, Sainz sera secondé dans l’équipe par son compatriote Nani Roma, son ancien coéquipier chez Audi Mattias Ekstrom et l’Américain Mitch Guthrie.
VAN BEVEREN… VERS LA LEGENDE ?
Cette année, 11 motards forment le cercle très fermé des « Legend », celui réservé aux concurrents qui comptent 10 Dakar ou plus à leur palmarès. Stefan Svitko est le recordman en activité avec 16 participations, devant Francisco Arredondo (15), Emanuel Gyenes à égalité avec David Casteu (14), et Pablo Quintanilla (13), le plus expérimenté des pilotes officiels qui ne sent pas pour autant le poids des années : « Honnêtement, je suis heureux d’être capable de continuer à ce niveau. Je cours sur le Dakar avec des hauts et des bas, des bons résultats mais aussi des chutes et des blessures, c’est le sport. Mais j’ai les outils pour réussir, je me sens prêt à 100 % ». Trois pilotes d’usine font leur entrée parmi ces fidèles du Dakar : « Nacho » Cornejo, Ricky Brabec et Adrien Van Beveren. Pour le tenant du titre, il s’agit surtout de se remettre en selle après sa chute sur le Rallye du Maroc : « Finalement ce n’était pas mon genou qui était touché au Maroc mais mon tibia. J’ai fait une pause pour me faire poser douze vis et maintenant je suis de retour en course. Au final, je n’ai perdu qu’un mois, ce qui n’est pas si grave. Je suis à 100 % ». Pour le Français, ce statut de « Legend » devient aussi l’occasion de faire tomber un record : aucun vainqueur à moto n’a patienté 10 ans avant de s’imposer. Nani Roma reste pour le moment le plus tenace. Entre sa première apparition en 1996 et sa victoire en 2004, le Catalan s’est aligné 9 fois. Pas de quoi décourager VBA : « Je suis plus fort que jamais physiquement. J’ai toute l’envie et je ne sens pas que je vis mes dernières années sur la moto. Ma carrière aurait pu s’arrêter au moins deux fois, mais plus que jamais je suis en mesure de gagner ». De la fraîcheur, il en sera question rapidement sur ce Dakar avec une première semaine jalonnée d’entrée par la 48h chrono et l’étape marathon. Pour le beach boy des plages du nord de la France, « le fait que la 48h arrive tout de suite n’est pas à mon avantage, car les autres ne seront pas encore très fatigués. L’an dernier, j’ai fait la différence sur cette étape en deuxième semaine où l’on arrivait déjà entamés. Là, on va tous partir relativement frais et je pense que physiquement cela ne va pas craquer ».
TOYOTA, UNE GALAXIE DE PRÉTENDANTS
C’est un véritable parc d’assistance que doit installer chaque jour Overdrive Racing pour accueillir 16 Toyota Hilux, sous différentes couleurs mais avec un seul et même véhicule, devenu la référence en Ultimate jusqu’à la victoire de la Audi de Carlos Sainz l’an passé. Porte étendard de l’équipe belge en même temps que de l’Arabie saoudite, Yazeed Al Rajhi s’engage pour son 11e Dakar, dont un achevé sur le podium (3e en 2022). En 2023, c’était aussi la meilleure performance de Lucas Moraes pour sa première apparition. Le Brésilien s’est d’ailleurs affirmé depuis comme l’étoile montante « Toy », 3e du W2RC 2024 et logiquement observé comme l’un des favoris, au même titre que son compagnon de chambrée saoudien : « C’est même un peu fou de se retrouver à ce niveau, déclare-t-il. C’est vrai que j’ai gagné en expérience et c’est nécessaire lorsqu’on voit que des pilotes comme Carlos Sainz ou Nasser Al Attiyah ont mis un certain temps à s’imposer sur le Dakar. Alors j’ai confiance en moi pour tenter le coup mais je commence à savoir que le Dakar est très long. Avec ce parcours atypique en première semaine, il faudra être encore plus fort en stratégie et être prudent tout en restant au contact des plus rapides. » Du côté de l’école « SudAf », Giniel De Villiers, Henk Lategan ou Guy Botterill seront aussi en lice pour le podium tout comme le Californien Seth Quintero. Ce peloton de champions en puissance détournerait presque l’attention des débuts de Rokas Baciuska dans la catégorie. Après une succession de podiums en SSV et Challenger, ainsi que trois titres mondiaux d’affilée en W2RC, le Lituanien entre dans la cour des grands, et Baciuska pourrait bien éblouir dans sa combinaison d’outsider : « C’est mon premier Dakar en Ultimate, mais pas la première fois avec le Hilux puisque j’ai participé à la Baja Aragon (2e T1+) et la Baja Hail (3e). J’ai beaucoup d’expérience en Challenger et SSV, mais c’est totalement différent. Je serai rassuré après le prologue et la première étape si nous sommes dans le Top 20 car ce Dakar se présente comme le plus ouvert de l’histoire ».
LE MATCH DES AMÉRIQUES EN SSV
Vainqueur SSV l’an passé avec le Polaris RZR Pro R qui débarquait des Etats-Unis sur le marché, Xavier de Soultrait voit Can-Am arriver à son tour avec un nouveau véhicule dont tout le monde prédit qu’il va faire parler de lui : le Maverick R. Un véhicule apparu il y a quelques semaines avant son homologation FIA sur le Rallye du Maroc et qui, s’il n’a pas été classé, a impressionné, notamment entre les mains d’un revenant dans la catégorie. « Chaleco » Lopez, ex motard comme De Soultrait, déjà vainqueur SSV en 2019 et par deux fois en Challenger (2021-22) est l’un des 4 officiels de la marque canadienne Can-Am Factory. Fairplay, le pilote Sébastien Loeb Racing se félicite de cette adversité : « Ce que l’on a fait l’année dernière, c’était exceptionnel. Si on le refait, ce sera très exceptionnel. On a grossi notre équipe avec Brock Heger, un des meilleurs pilotes américains. La concurrence en face s’organise et je suis content de me battre contre « Chaleco », avoir une référence comme lui dans la catégorie, c’est bon pour la course ». Heger n’est pas le seul Américain à débarquer en SSV. Chez Can-Am Factory, deux nouveaux équipages sont 100 % made in USA. Le Texan Hunter Miller fait son entrée sur la course avec Andrew Short. La Californienne Sara Price, 4e l’an passé pour son premier essai sur la course, revient associée à Sean Berriman, vainqueur SSV avec Casey Currie en 2020. Sur le papier, ces nouveaux venus sont de gros calibres, mais Sara connait les subtilités du Dakar : « Beaucoup de monde a les yeux sur le Dakar depuis un moment aux US, mais personne n’a fait le grand saut depuis quelques temps. J’ai tenté ma chance l’an passé, je suis venue avec un état d’esprit humble et on a eu un bon résultat. Cela a dû donner des idées aux autres. Je connais bien Brock Heger et mon coéquipier Hunter Miller qui ont plus d’expérience que moi en UTV aux US, mais sur le Dakar ce n’est pas forcément le plus rapide qui l’emporte. »
LA NOUVELLE VIE D’ALEXANDRE GIROUD
Après Simon Vitse passé en Ultimate en 2021 et Nicolas Cavigliasso au Challenger en 2023, c’est au tour de Manuel Andujar et d’Alexandre Giroud de faire cette année le grand saut des quads aux autos. Un changement plus ou moins contraint pour ces deux grands rivaux, la catégorie ayant perdu sa place sur le Dakar. Pour le double vainqueur argentin (2021-24), ce sera les SSV avec Can-Am et le team South Racing. Pour le Français, lui aussi double vainqueur (2022-23), la catégorie Challenger avec un OT3 du G Rally Team. « Le quad reste ma passion, prévient Giroud. Je suis d’ailleurs toujours pilote officiel Yamaha le reste de la saison. Mais après avoir remporté deux victoires et décroché trois podiums, il était temps de relever un nouveau défi. Le choix de la catégorie Challenger ne pouvait pas mieux tomber. » S’il ne repart pas de zéro, Alexandre sait qu’il va avoir beaucoup à apprendre cette année. « Je prends le départ avec beaucoup d’humilité, mais j’ai tout de même un avantage, c’est de connaître le rallye. Je sais mieux que d’autres que le Dakar est une course d’attente. » Pour l’épauler, il a choisi Jeremy Jacomelli, un ami qui fait depuis longtemps partie de son carré de fidèles : « J’aurais pu miser sur un co-pilote expérimenté, mais en ayant toujours tout fait seul, je préfère garder un œil sur la navigation. On a beaucoup travaillé avec Jeremy pour qu’il me donne les infos dont j’ai besoin. » Pour le reste, il l’assure, ce sera du plaisir : « Cette auto, c’est un gros quad. Il y a un volant à la place du guidon, des pédales… Mais j’ai toujours quatre roues. Ça glisse et ça avale les obstacles. » Manuel Andujar engagé en SSV, le Français ne devrait pas avoir à croiser directement le fer avec son rival de toujours. Il sera en revanche opposé à un autre ancien vainqueur argentin en quads, Nicolas Caviglissio, qui a pris deux ans d’avance sur lui et a terminé la saison au 2e rang du W2RC.
LOPRAIS ET ZALA AU PAYS DES TULIPES !
Le Team De Rooy, c’est la maison de la Hollande sur le Dakar. Le patriarche, Jan, s’est imposé en 1987, puis le fiston Gerard a connu la victoire en 2012 et 2016 avant de se retirer des cabines pour prendre la direction de l’écurie. Depuis, les camions De Rooy ont encore connu la plus haute marche du podium avec Janus van Kasteren en 2023, mais le changement de cap est très net cette année. Un des Iveco Powerstar a bien été confié à Anja van Loon, signataire d’une 12e place particulièrement encourageante pour sa première apparition dans la catégorie l’année dernière, mais la plus grande chance d’aller chercher un trophée à Shubaytah se trouve dans les mains… d’Ales Loprais. En effet, le grand rival tchèque, qui est passé à côté de la victoire l’année dernière (2e), s’est résolu à changer de camp pour tenter une nouvelle fois de conquérir le titre qui lui manque : « j’ai en effet adopté un plan très différent et la victoire, j’y crois. Je sais que de nombreux scénarios sont possibles sur le Dakar mais je n’ai qu’un seul objectif. Je vais être patient sur cette première semaine, il ne faut jamais perdre de vue que cette course est un très long marathon ». La sensation dans la catégorie poids lourds pourrait aussi venir d’un nouveau venu, qui a également frappé à la porte de Gerard De Rooy, en provenance de Lituanie. Il s’agit de Vaidotas Zala, qui a souvent flirté avec le Top 10 lors de ses 9 participations en autos (11e en 2022), mais a ressenti le besoin de voir du pays et de prendre de la hauteur, au sens strict du terme : « j’ai toujours aimé les gros camions, anciennement c’était déjà moi qui me chargeais de les conduire depuis la Lituanie pour emmener la voiture au port d’embarquement. Et les dernières années, quand nous avons eu des problèmes mécaniques qui nous ont plantés sur la piste, j’ai vu des camions nous dépasser et je me suis dit que c’était peut-être la bonne d’idée de tenter le coup dans cette catégorie. Il y a toujours un volant, des pédales, des roues, donc c’est faisable ». Son coup de volant ne fait aucun doute, mais Zala n’a aucune certitude sur la valeur de son pilotage dans des engins de dix tonnes. « Je suis un peu inquiet lorsque nous aurons des journées de 500 km où il faudra constamment attaquer, car physiquement c’est très exigeant. Le vrai test, ce sera le prologue et la première étape, mais je ne sais pas où me situer par rapport aux autres. Je me sens comme un junior et c’est plutôt rafraichissant ! »