VOILE : Vendée Globe – L’Occitane Sailing Team, semaine 1
En cinq jours à peine de Vendée Globe, Clarisse Crémer aura déjà vécu autant d’aventures et de péripéties qu’elle pourrait espérer en vivre sur toute une transatlantique.
Entre émotions du départ, premiers milles au contact et aux réglages, premier front et premières avaries… La skipper de L’Occitane en Provence aura vécu un début de course particulièrement éprouvant pour son deuxième tour du monde en solitaire. Le point en cinq faits, sur cinq jours et cinq nuits, entre enfer et magie.
Départ tranquille pour mise en jambe progressive
Malgré des conditions de vent très faibles sur la zone de départ, dans moins de 5 noeuds de vent d’est nord-est, la skipper de L’Occitane en Provence parvenait à bien se positionner au moment du ‘Top’ et attrapait quelques airs forcissants dès les premiers milles de course. Trois heures après le départ, alors en 13e position, elle déployait enfin ses ailes au bénéfice de son choix pour une trajectoire au nord, et gagnait rapidement du terrain dans l’ouest afin d’aller trouver des airs plus soutenus.
Après 24 heures dans de « très chouettes conditions » qui lui permettaient de « se remettre dedans » et de trouver son rythme, elle établissait un premier bilan positif : « Je n’ai pas toujours très bien navigué mais j’ai appris plein de choses, tout va bien à bord et j’essaye de prendre chaque jour l’un après l’autre. »
Front surprise au cap Finisterre
Au contact avec Samantha Davies, Clarisse pouvait en effet se réjouir d’un début de parcours maîtrisé au moment de dépasser la pointe de l’Espagne. Prudente mais engagée, elle esquissait une très belle trajectoire, enchaînait les manoeuvres dans un tempo maîtrisé et ne tremblait pas, dans la nuit de mardi à mercredi, au moment d’opter pour un périlleux passage à l’intérieur du DST du cap Finisterre.
Solidement ancrée dans le Top 15, Clarisse Crémer pouvait poursuivre sa route sereinement, un vent mollissant par devant lui offrant l’opportunité de s’offrir un peu de repos avant d’attaquer la première épreuve stratégique du passage des îles atlantiques. « Je n’ai pas été flamboyante, mais j’ai navigué propre, je n’ai pas fait d’erreur : je suis contente de moi ! »
Galère de gennaker et « nuit de l’enfer »
Mais à terre comme en mer, les ennuis arrivent souvent lorsqu’on s’y attend le moins. Mercredi matin, dans des vents moins soutenus mais une mer déchaînée, la bosse d’enrouleur du MH0 de L’Occitane en Provence rompait subitement, libérant le grand gennaker de 300m2, qui se déroulait alors inopinément à l’avant du bateau. Après une longue et intense bataille avec ce géant volant et contre les éléments, Clarisse Crémer devait s’avouer vaincue et laissait partir à l’eau sa meilleure alliée du petit temps. « C’était ça ou le mât qui tombait » déplorait-elle, « honteuse » de cette offrande à la mer.
Le marin n’étant finalement que peu de chose face aux aléas technique, une fois la frustration de n’avoir rien pu faire passée, la jeune femme de 34 ans faisait rapidement le deuil de cette perte et de son recul au classement (26e), et déclarait, fataliste : « C’est la faute à pas de chance, la mauvaise pièce qui casse au mauvais moment… Le timing n’était pas fou, en tout début de course, j’y ai laissé pas mal d’énergie, mais ça met dans l’ambiance ! »
Passagère arachnide clandestine La « nuit de l’enfer » derrière elle, Clarisse Crémer devait alors affronter un nouveau défi : tétanisée par les araignées, elle confiait en octobre dernier qu’elle craignait bien en avoir embarquées quelques unes de son grenier, alors qu’elle préparait ses sacs de vêtements. Un brin blagueuse, la skipper ne croyait pas si bien dire puisque, mercredi après-midi, elle se retrouvait bel et bien nez à nez avec l’incarnation de son pire cauchemar : un specimen particulièrement imposant d’aranéide velue – qui devait bien se demander comment elle était arrivée là. Parvenue à se défaire de son invitée non désirée, évacuée dans le cockpit et livrée seule à sa destinée, Clarisse Crémer n’en croyait pas ses yeux lorsque, jeudi, elle retrouvait sa compagne à huit pattes, bien accrochée aux drisses et autres écoutes du piano du bord. « Je suis incapable de toucher une araignée, confessait-elle. Je préfère faire le Vendée Globe que de gérer une araignée… Alors gérer une araignée pendant le Vendée Globe… » Moral solide et peloton retrouvé En parallèle et au mépris de toutes ces péripéties, Clarisse Crémer poursuivait sa route, à pleine vitesse, et remontait petit à petit au classement. Jeudi soir, elle réintégrait ainsi le Top 15 et avait même retrouvé Sam Davies, qu’elle ne pensait pas revoir de sitôt lors de sa mésaventure de la veille. De quoi récompenser son inébranlable détermination et son mental à toute épreuve : « Je suis dans un bon mood, mon moral est stable, je suis bien sur mon bateau. Rien à voir avec mon état d’esprit d’il y a 4 ans : je ne me laisse pas submergée par mes émotions, ni bouleversée par l’ampleur de la tâche. Le Vendée Globe, c’est dur, mais je le savais ! » Toujours poussée par de forts vents portants, mais instables, au large des Canaries, avec beaucoup de grains et une mer encore agitée peu propice aux vitesses moyennes importantes, Clarisse Crémer devrait bientôt réduire la cadence au fur et à mesure que le vent se calmera en approche des Canaries. Viendra ensuite l’heure des premiers choix, cornéliens, pour choisir sa route en direction du redouté Pot-au-noir. En attendant, à bord de L’Occitane en Provence, les oeufs sont dorés à la poêle et le sourire de la skipper est aussi rayonnant que le soleil qui brille dans sa grand voile. Et quand l’appétit va, et que le moral va : tout va !