VOILE : Solitaire du Figaro – Dans la tête des marins de la Filière Région Bretagne-CMB
La Solitaire du Figaro Paprec ne ressemble à aucune autre course.
Gaston Morvan, Victor Le Pape et Louise Acker, les marins de la Filière Région Bretagne-CMB le savent. Cela forge leur envie de performer sur la 55è édition qui se profile devant les étraves de leur Figaro Beneteau. Chacun d’entre eux, fort de sa propre expérience, nourrit un objectif de réussite sur ce qui constitue véritablement un rêve. Être au départ de cette course n’a rien d’anodin ni pour l’un des skippers favoris, Gaston Morvan, ni pour l’espoir qui a déjà marqué les esprits l’an dernier, Victor Le Pape, ni pour la bizuth Louise Acker, qui rejoint le circuit après une carrière exceptionnelle en match racing.
Les trois marins de la filière se sont préparés avec une extrême rigueur durant de nombreux mois sous l’égide du Pôle Finistère Course au Large. Et ils font désormais face à ce sommet qu’ils définissent avec une multitude de surperlatifs ou de comparaisons qui en disent long sur leur vision du challenge à relever. À quelques jours du coup d’envoi, ils nous expliquent ce que la Solitaire a de si particulier et pourquoi ils partent à sa conquête.
Pour Gaston Morvan, skipper du bateau Région Bretagne-CMB performance, l’histoire avec la Solitaire a démarré tôt, alors qu’il n’était qu’un enfant venu soutenir son père, Gildas, qui a participé 22 fois à l’épreuve. « La Solitaire, j’ai grandi avec. Mes premiers souvenirs sont les départs et arrivées. J’étais tout petit quand mon père y participait, je croisais tous les marins sur les pontons. Ça ne fait pas tout, je n’ai pas été poussé à faire ce chemin. Mais ça m’a piqué ! J’ai eu envie de suivre les courses, de comprendre ce qui se passait. Même quand je faisais de l’olympisme, au fond de moi, j’avais envie d’aller voir ce qu’est une Solitaire de l’intérieur ».
Pour celui qui s’est classé 4e l’an dernier et a réalisé un très bon début de saison, la victoire semblerait une suite logique. Mais dans cette course, qu’il considère comme la plus belle, la logique ne vaut pas… Alors c’est à peine si Gaston ose livrer, entre pudeur et méfiance, et du bout des lèvres ses rêves les plus fous pour cette édition 2024. « Ce n’est jamais simple de donner un objectif sur la Solitaire. C’est une course tellement compliquée, il se passe tellement de choses. Il y a tant d’aléas ! Ce n’est pas facile de tout maîtriser. C’est la seule course où tout le monde a le même bateau et c’est véritablement le meilleur qui gagne. J’ai envie de bien naviguer, de faire de belles étapes, et de rendre une belle copie. L’objectif est de ne pas faire d’erreurs, ou en tout cas en faire moins que les autres. La copie parfaite n’existe pas. Je veux être bien dans le match, aller vite. Et après, sportivement, s’il y a une victoire, ce serait l’idéal. Je suis bien en forme cette saison. Tout s’enchaîne bien mais il ne faut pas oublier que la Solitaire, c’est la Solitaire ! Entre le dire et le faire, il y a un monde. Il faut un bon alignement de planètes, il faut que je sois dans mon meilleur état de forme. Je vais essayer de maîtriser tout ce que je peux maîtriser ».
Victor Le Pape, à la barre de Région Bretagne – CMB Espoir, lui aussi, n’a pas échappé à son destin. S’il a d’abord fait monter l’adrénaline en planche à voile, où il a excellé, il est arrivé seulement l’an dernier sur le circuit Figaro Beneteau. « La Solitaire, j’y suis arrivé un peu par mon environnement familial. Mon père dirigeait le Pôle Finistère Course au Large, puis mon frère Martin s’est élancé sur la Solitaire. Ça m’a donné envie. J’avais des posters de Michel Desjoyeaux, d’Armel Le Cleac’h dans ma chambre… Tout ça me faisait rêver. En habitant à Port-La-Forêt, je voyais des bateaux sous mes yeux tous les jours. C’était un rêve mais j’ai pris le temps avant de le concrétiser. J’ai commencé tard la course au large. J’ai fait beaucoup de planche à voile avant. Mais dès que j’ai commencé à naviguer, j’ai tout de suite accroché » raconte Victor avec enthousiasme.
Vainqueur du classement bizuth l’an dernier et 9e du classement général, il a appris vite ! Il sera sans nul doute sous la haute surveillance de ses adversaires. Toute l’année, il s’est préparé techniquement mais aussi mentalement pour corriger les petits défauts qu’il a identifiés dès la fin de la Solitaire 2023. Il sait plus que jamais ce qui l’attend dans quelques jours et il est prêt à tout donner pour viser le Top 10 une nouvelle fois sur cette course qui le fait désormais vibrer : « Pour moi, la Solitaire, c’est un défi sportif unique. C’est un match contre les autres mais aussi contre soi-même. C’est un peu comme grimper un grand sommet en plusieurs étapes. C’est compliqué mentalement, physiquement… Évoluer sur ce circuit mythique, c’est un rêve qui se réalise. C’est ma deuxième année, mais j’y vais quand même avec des yeux de gamins ! Avant, je faisais coucou depuis le zodiac et je souhaitais bonne course aux autres. Aujourd’hui, ce sont les autres qui me disent bonne navigation ! Maintenant je suis celui qu’on suit et pas celui qui suit. Le départ est un moment émotionnellement très fort. En tout cas, le départ l’an dernier, c’est ce qui m’a marqué. Je m’attends aux mêmes émotions au départ du Havre ! »
À 27 ans, Louise Acker sera probablement la bizuth avec le plus d’expérience de la compétition de haut niveau parmi les 15 engagés dans cette catégorie. Triple championne du monde, triple championne d’Europe et six fois championne de France, la skipper Océane s’est déjà fait un nom. Cette expérience de la régate de très haute lutte est forcément transposable sur la Solitaire du Figaro Paprec. Pour le reste, sur le plan technique, stratégique, gestion du sommeil, de la nourriture… Louise est partie d’une feuille blanche. Il a fallu tout apprendre tant les deux disciplines, le match racing et la course au large, ont peu en commun. Un apprentissage studieux mais loin d’être un long fleuve tranquille. Un démâtage et une collision ont notamment marqué ses mois de préparation. Les entraînements et les autres courses du début de saison auront donc eu pour objectif de la mettre en confiance.
Si, à la différence de ses deux partenaires d’équipe, Louise n’est pas tombée dedans toute petite, elle est en train, elle aussi, de développer un sacré enthousiasme pour la course au large en solitaire. Aux côtés de Gaston et de Victor cette année, elle a mesuré l’enjeu de ce rendez-vous unique. À la vision de « L’Épreuve », documentaire réalisé l’an dernier lors de la Solitaire sur les parcours de Gaston, Victor et Chloé le Bars (skipper Océane en 2023), elle a compris que cette course rime avec grande joie et grande peine. C’est l’épreuve reine, toutes les émotions sont décuplées et le niveau de compétition est impressionnant. Louise va se jeter dans le grand bain dans quelques jours avec certainement la boule au ventre. Mais d’ici là, elle met en place ses routines, poursuit sa préparation millimétrée et mesure elle aussi sa chance d’être au départ, nourrit de l’expérience d’une filière qui révèle les jeunes talents de la course au large en solitaire depuis 13 années. « L’adversité du circuit Figaro Beneteau m’a toujours donné envie. Ce sont des régates intenses. La monotypie, c’est ce que j’ai pratiqué durant toute ma carrière de voile. Donc je ne me voyais pas commencer la course au large par une autre manière que le Figaro. Pour moi, c’est quand même un peu le grand flou. Il va y avoir beaucoup de stress car l’épreuve a une portée énorme dans notre parcours. J’essaye de ne pas trop me projeter sur les émotions » explique Louise avec, déjà, des yeux pétillants d’envie.