ESCALADE : Nouveau record de Benjamin Védrines, l’intégrale de Peuterey en 6h51
A peine rentré du Nanga Parbat (Pakistan) où il a défié avec David Goettler le versant Rupal (la face la plus haute du monde), Benjamin s’est attaqué à un monument du massif du Mont-Blanc, l’intégrale de Peuterey, la plus longue et la plus belle arête des Alpes, l’une des plus difficiles et spectaculaires voie d’ascension du Mont Blanc !
Ce qui est « la course d’une vie » pour beaucoup de très bons alpinistes amateurs exige trois jours par conditions optimales. Benjamin l’a imaginée en solo et en moins de 10h…
Comme lors de son record de vitesse en avril 2023 sur la Haute Route Chamonix Zermatt en 14h54, Benjamin s’est surpris lui-même en établissant un temps bien inférieur.
Il explose aussi les codes et les temps de ses prédécesseurs aux noms illustres comme Jean-Marc Boivin, François Cazzanelli, Andreas Steindl et Ueli Steck (et en son temps René Desmaison).
Déjà supersonique cet hiver encordé avec Léo Billion aux Jorasses, Benjamin semble utiliser un autre espace temps pour se déplacer.
Parti lundi 10 juillet à 4h02 exactement du parking de Peuterey dans le Val Veny (Italie), il a avalé l’arête sud de l’Aiguille Noire de Peuterey (1100m en TD !) puis la descente en rappel de la Noire (15 rappels !), puis la traversée des Dames Anglaises, l’ascension puis la traversée de l’Aiguille Blanche de Peuterey, avant de terminer par le pilier d’Angle et la longue pente finale jusqu’au sommet du mont Blanc qu’il a atteint à 10h53.
Plus de 4000 mètres de dénivelé positif, 24 km de distance et surtout une difficulté TD (très difficile) pour la Noire en…. 6 heures et 51 minutes !!!!!!!!

Récit « à chaud » de Benjamin Védrines
L’intégrale de Peuterey par l’arête Sud, c’est à faire une fois dans sa vie d’alpiniste. Une course mythique, magnifique, une arête au long dénivelé offrant un rare panel de l’alpinisme.
C’était pour moi un immense rêve d’envisager un jour la réaliser en solitaire, le plus rapidement et le plus habilement possible. Ce lundi j’ai pu concrétiser ce rêve de jeune alpiniste des Écrins, en écrivant ma propre histoire sur ce versant Italien. C’était magique. J’ai encore du mal à croire que tout ce soit aussi bien passé, avec autant de fluidité !
J’avais besoin de m’exprimer en solitaire, sans aucune contrainte autre que celles imposées par l’itinéraire et par moi même. Une liberté totale dans le mouvement, les choix. Mais un engagement certain, radical, ou la moindre chute est fatale.
Je recherche cet état de grâce avec la montagne. En évoluant dans ces immenses parois où l’on se sent si petit, les instants de légèreté, d’osmose avec l’itinéraire, est mon but.
Ces 6h51 suspendu sur le fil du Mont Blanc, je m’en souviendrai longtemps !
Tout le long, j’ai vécu des moments d’une rare intensité, où la montagne et moi étions connectés en silence.
Sur cette arête de Peuterey j’étais bien. Pourtant durant l’approche mes jambes n’étaient pas au rendez-vous. Je ne sentais pas l’énergie. J’imaginais ne faire que la Noire et redescendre. Il faut dire que tout n’était pas parfait. J’ai pris quelques kilos depuis mon retour d’expédition, j’avais de grosses courbatures après mon repérage à l’arête sud deux jours avant (et oui je n’ai fait que descendre en parapente ces 2 derniers mois !), et je sentais une certaine fatigue. Mais j’avais envie, tellement envie…
Après l’approche laborieuse de l’arête Sud de la Noire, mon corps a, petit à petit, pris part à cette aventure ambitieuse, en retrouvant de l’énergie. La beauté de l’arête sud, le fait d’être sans corde, en solo intégral sur cet itinéraire mythique, tout cela a contribué à m’apporter une énergie qui manquait. J’étais galvanisé !
La maîtrise de l’escalade en solo intégral est quelque chose qui m’a toujours fasciné. Pourvoir évoluer rapidement dans ces terrains de montagne, d’une longueur raide en 5c, à la pente de neige à 55 degrés en passant par des arêtes effilées, j’ai toujours rêvé de réaliser un jour un beau solo sur une course emblématique dans le massif du Mont-Blanc.
Sur cette course, toute mon expérience dans ces terrains très variés s’y est exprimée, avec certainement encore une marge de progression à imaginer ! Je savais que la moindre erreur serait fatale, et grâce à ma maturité acquise, j’ai la sensation d’avoir réalisé cette ascension avec la plus grande prudence. Mon 1er but était le plaisir pur du moment et de cette liberté à 100%. Mon second était de revenir à la maison ! Objectifs validés ! Et quel kiff…!! Dur de décrire tout ça
Cette sensation de maîtrise de ce terrain vaut de l’or et j’ai l’impression, à force d’années d’expérience, de commencer à avoir pas mal de lingots ! Le plaisir s’en trouve alors décuplé. J’ai la sensation de voler, gratuitement ! J’ai conscience d’être privilégié pour ce qui est de ma forme physique, mais je n’oublie pas que je suis jeune, et que ça ne va pas durer. Je n’oublie pas non plus mes blessures, pendant lesquelles je me disais que tout était fini, que je ne pourrai pas réaliser ce genre de rêve. Je n’oublie pas mes entraînements parfois intenses qui m’ont conduit à cette résistance physique. Mais je suis heureux d’être en pleine forme, j’en profite et j’espère pouvoir le faire encore longtemps !
Le décompte de Benjamin
Départ du dernier parking du hameau : 4h02
Départ de l’arête sud : 1h10
Escalade de l’arête sud : 1h36
Sommet de la Noire : 2h46
Pied des rappels de la Noire : 3h40
Blanche de Peuterey : 5h10
Mont Blanc : 6h51
Conclusion : « C’est possible de passer sous les 6h 😉 »