RUGBY : Entretien avec Ugo MOLA, manager et entraîneur principal
Redoutiez-vous la présence des caméras ?
Évidemment, nous avions un peu de doutes au début de l’aventure car on ouvre la porte à de nombreuses scènes quotidiennes, imperceptibles par le grand public. Mais lorsque nous avons décidé de nous lancer dans le projet, nous avions l’intention de montrer la vérité. La vérité sur notre groupe, sur le club, sur l’engouement autour du rugby dans notre ville et l’évolution d’une génération qui veut gagner. Nous avons accepté les caméras à la sortie du confinement, dans une période avec de nombreux changements, donc cela ne nous a pas perturbés plus que cela. Pour résumer je dirais que nous avons ressenti de l’appréhension, de la pudeur et de la gêne sur le fait d’ouvrir notre vestiaire, mais pour autant, le professionnalisme des personnes qui nous ont suivis, et plus particulièrement de Matthieu, nous a poussés à rester naturels.
Est-ce que cela a été difficile pour vous que des caméras vous filment dans l’intimité avec vos joueurs ?
Passé un certain temps d’observation, nous ne faisions plus attention aux caméras. Nous ne nous sentions pas observés, filmés, regardés en permanence, pourtant ce fut le cas. Le pacte de confiance officieux établi avec les équipes de tournage s’est avéré respecté du début à la fin de la saison dernière puisque nous leur avons confié nos moments les plus intimes. Au sein du staff, nous avons senti que le groupe réagissait bien au contact des caméras qu’il avait envie de montrer comment il vivait au quotidien. Je crois que cette notion a animé tous les joueurs et que cette génération d’hommes est un peu moins bloquée par les principes de fermeture ou de secret de vestiaire. La principale difficulté était la peur que nos propos soient mal interprétés par les futurs spectateurs car ce qui fait la force du Stade Toulousain, c’est justement son authenticité et la passion de tous ses membres à exercer leur activité. Nous avons accepté de nous ouvrir et de nous mettre à nu même si dans notre milieu rugbystique c’est une première, et ce n’était pas si facile.
Vous êtes-vous censuré ?
Je pense que nous avons connu une légère forme d’auto-censure au départ, liée au fait d’être écoutés, équipés de micros et filmés. Heureusement, nous avons fini par l’oublier au fil du temps, à mesure et que la confiance fasse son chemin et que le naturel reprenne le dessus. Mais aucune scène de film n’a souffert de calcul. Nous étions tous dans le vrai et dans la sincérité. Quoi qu’il en soit, une fois le deal accepté avec Black Dynamite, nous devions rester fidèles à la réalité. Nous n’avons pas montré notre vie pour nous censurer après visionnage, c’est impossible. Au quotidien, il y avait une équipe à motiver pour gagner de grands matchs, au cours de grosses échéances, en Championnat comme en Coupe d’Europe. Il n’y avait pas la place à l’analyse de nos discours, qui sont restés propres à ceux que nous aurions clamés sans caméras. Je crois que si on s’attarde sur ce que l’on a pu dire, uniquement par le prisme de l’étude pure et dure de nos mots, on trouvera notre management basique voire classique. Mais les aventures humaines et sportives qui se dégagent de ces saisons-là sont assez exceptionnelles et nous espérons les revivre à travers le film.
Comment avez-vous vécu cette consécration ?
En tant que joueur, j’avais eu la chance de vivre un doublé, dans un moment où le rugby n’était pas du tout dans le même rythme de calendrier et de compétition et les joueurs n’étaient pas professionnels. J’ai même connu un triplé puisque dans la même année, le Stade a remporté la Coupe d’Europe, le Championnat et le Challenge Yves du Manoir, qui n’existe plus aujourd’hui. Nos juniors avaient également remporté un titre de Champion de France et j’apporte de nombreuses similitudes avec la saison passée. En effet, je pense qu’il ne faut pas dissocier notre exploit du titre de Champions de France Espoirs, glané par nos jeunes l’an dernier. Intégrer de jeunes joueurs à nos entraînements ainsi qu’à la vie du groupe est une de nos priorités. Le club a toujours véhiculé des valeurs de transmission, d’héritage et de projet de jeu collectif, via la formation des jeunes. Forcément, les émotions ressenties au moment du doublé étaient indescriptibles. La joie était totale. Nos victoires justifient la difficulté des entraînements, la souffrance des préparations, les sacrifices et les blessures. Nous sommes prêts à donner quasiment tout ce que nous possédons pour vivre ces instants de plénitude. Cela restera le point d’ancrage de cette génération de joueurs, en espérant qu’elle ne se suffise pas de ce doublé. Lorsque cela sourit, il faut savoir profiter même si la réalité du terrain nous rattrape vite.
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent de ce film ?
Je pense que l’absence de nos supporters dans les stades a donné un ton de responsabilisation ultime à notre effectif. Nous sentions la responsabilité qui nous incombait, à savoir de porter les couleurs du Stade, le Rouge et le Noir, pour l’ensemble des fans, pour les membres du Club et nos familles. Il fallait que nous leur fassions plaisir. Je l’ai réalisé en ce début de saison, où les tribunes ont de nouveau été en capacité d’accueillir du public, notre équipe semblait peut-être un peu moins impliquée que ce qu’elle avait pu l’être l’an passé, dans les matchs à huis clos. J’aimerais que les gens perçoivent l’amour des joueurs pour le maillot du Stade Toulousain. Ils verront tous les aspects de notre saison et c’est réducteur de la rapporter à un brief d’avant match, à une mise en place ou à une rencontre en particulier car c’est la résultante de tout le travail accompli en amont de la victoire finale. Nous avons vécu une saison intense et, même si nous nous trouvons dans la difficulté en ce moment, nous voulons en vivre d’autres. Encore une fois, ce qui doit transpirer du film, c’est l’authenticité du club. Celle des hommes qui composent notre équipe, de leur famille et des membres du Stade. Ici, tout est fait pour que nos joueurs s’épanouissent à 100% sur le terrain. On retrouve cela dans le film et je voudrais sincèrement que les spectateurs vivent pleinement ce moment de partage comme nous avons vécu le nôtre la saison dernière. Nous avons conscience d’être des privilégiés dans notre métier mais pour autant, nous espérons apporter toute notre sincérité aux personnes qui nous soutiennent et qui se rendront dans les salles de cinéma.

















