VOILE : Vendée Globe 2020, les jours les plus longs !
J+105 : du grand large des Canaries à Sud-Est des Açores.
À retenir :
- Les ETA glissent entre le 24 février et le 5 mars
- Une grosse dépression en Atlantique Nord pour les deux navigatrices hors course
Les premiers concurrents de ce 9e Vendée Globe sont arrivés il y a déjà 25 jours ! Presqu’un mois que Yannick Bestaven, Charlie Dalin, Louis Burton et les autres tentent de reprendre le cours d’une vie normale. Le temps semble être passé si vite ! Mais pour les quatre marins encore en mer, au grand large des Canaries ou dans les parages des Açores, le temps dure longtemps et cette fin de course prend des airs de longue route…
« Je ne suis plus qu’à 1386 milles de l’arrivée, et il n’y a que ça qui compte ! » lance la navigatrice de TSE – 4myplanet qui coche tous les jours les milles gagnés vers la ligne d’arrivée. Blessée au dos depuis un choc subi il y a 6 jours, Alexia souffre en silence et fait bonne figure, malgré son incapacité à tenir debout sur le pont ou à renvoyer de la toile. « Je me déplace à quatre pattes ou en rampant » avoue t-elle. Seuls la station allongée, les antidouleurs et la perspective de pouvoir déboucher le champagne sur le ponton de Port Olona dans une semaine lui permettent de supporter le mal. Mais elle ne se plaint pas, fidèle à cet optimisme indéfectible qui lui a donné l’élan, il y a trois ans, de se lancer dans l’aventure de sa vie avec très peu de moyens et un bon vieux bateau.
La méditerranéenne de 41 ans devrait boucler sa première circumnavigation en solitaire autour du 27/28 février, en 24e et avant-dernière position. Avant cela, il lui faudra traverser une dernière épreuve : les vents forts qui sévissent depuis le début de l’hiver au large du golfe de Gascogne et qui rendent difficile l’approche des côtes françaises.
Pendant ce temps, le dernier concurrent en course, Ari Huusela, semble faire durer le plaisir. Empêtré depuis plus de 48 heures dans un champ anticyclonique qui s’étend au large des Canaries, le pilote de ligne Finlandais prévoit un atterrissage autour du 5 mars. Si cela se confirme, cet amateur éclairé de 58 ans aura passé 117 jours en mer, soit 46 % de temps en plus que les premiers… Pas étonnant que le nordique se sente un peu entamé physiquement. Mais son moral, lui, ne faiblit pas, et c’est avec philosophie qu’il poursuit son long périple vers la Vendée.
Isabelle Joschke et Sam Davies qui terminent leur boucle planétaire après avoir abandonné – la première en Afrique du Sud, la seconde au large de l’Argentine – arriveront avant ces deux concurrents. A bord de MACSF, dans le Nord-Est des Açores, « Isa » a pris les devants et devrait toucher terre une petite journée avant sa compagne de route, le 24 février. Après le passage d’un front hier et une navigation agitée dans les rafales et les grains, la Franco-allemande reprend des forces. Il lui en faudra pour affronter dès ce soir un nouvel épisode de vent fort : une énorme dépression se déploie de la latitude de l’Islande aux Açores. Elle va accompagner MACSF pratiquement jusqu’à l’arrivée.
ILS ONT DIT…
« Ma douleur au dos est stable, ce n’est pas génial mais je ne suis plus qu’à 1386 milles de l’arrivée, et il n’y a que ça qui compte ! J’arrive à gérer avec les médicaments prescrits par le docteur de la course Jean-Yves Chauve. Actuellement, je suis au portant. Je pourrais changer de voile d’avant mais j’évite, je fais le minimum, juste pour avancer correctement et assurer la sécurité du bateau. Je me déplace à quatre pattes ou en rampant, je trouve des combines ! Je ne peux pas marcher sur le pont car pour marcher, je dois me tenir avec les deux bras pour soulager mon dos. Quand tu marches sur le pont il faut gainer pour ne pas se casser la figure et c’est impossible pour moi. Mais j’arrive à rouler une voile ou à prendre un ris, même si je prends 10 fois plus de temps que d’habitude. Je suis au portant, le bateau ne tape plus, j’ai de la chance. Ça avance tout seul, ce n’est pas comme si je devais virer de bord toutes les heures. Je n’ai plus que 5 ou 6 jours de mer, je ferai des examens pour voir ce que j’ai à l’arrivée.
Je suis tombée sur les lombaires. Le côté musculaire est endommagé, c’est certain. Je ne sais pas si j’ai cassé l’apophyse transverse, c’est la petite tige qui tient les côtes en bas du dos. On ne sait pas si c’est une fracture ou non. Je sais que mes reins vont bien, j’ai pu faire un test urinaire qui a révélé que je n’avais pas de sang dans les urines. Je prends du paracétamol codéiné. Je ne voudrais pas que la douleur s’aggrave car cela voudrait dire prendre de la morphine et à ce moment-là, tu perds un peu la maîtrise. Je ne suis pas déprimée ou quoi que ce soit. J’aurai bientôt bouclé mon Vendée Globe et c’est tout ce qui compte.
J’empannerai demain. Actuellement j’ai deux ris et le J3, je pourrais avoir un ris J2 mais ce n’est pas grave. Le vent va forcir, je vais prendre un troisième ris pour l’empannage, je roulerai la voile d’avant pour ne pas forcer. J’ai eu un bon entraînement au niveau des empannages dans des conditions musclées dans le Sud. Ça devrait mollir seulement dans les 24 dernières heures avant les Sables d’Olonne. Là-dessus, j’ai plus de chance que Ari ! »
Distractions du large
« J’ai des livres audio. En ce moment j’écoute le livre de Michelle Obama, pour la troisième fois. Non pas que l’histoire soit géniale mais j’aime bien écouter sa voix qui me berce. J’ai des films mais je ne peux pas rester assise pour les regarder. Je suis bien quand je suis allongée dans ma bannette. »
Alexia Barrier, TSE-4myplanet
« Hier les conditions n’étaient pas simples : j’ai passé un front avec du vent fort de Nord-Ouest et une mer pas facile, avec des grains. Ça m’a rappelé les mers du sud ! Il y avait 6 mètres de houle annoncée, j’ai ralenti un peu pour laisser passer le gros, mais j’ai passé la nuit à manoeuvrer car le vent n’arrêtait pas de changer. Aujourd’hui c’est plus cool, je me repose un peu. Je me prépare à bientôt atterrir et à terminer cette longue aventure, mais je me prépare aussi à prendre un dernier coup de vent. Je vais devoir passer une dépression juste avant le Golfe de Gascogne demain soir. Je me repose un peu pour pouvoir affronter ça avec toute l’énergie nécessaire.
Le vent va se lever en fin de journée, ça va monter doucement. C’est un peu la dernière ligne droite. Dans l’ensemble mon bateau va bien mais j’ai toujours la quille dans l’axe depuis le Brésil. Ça n’aide pas à traverser les coups de vent, les grains. Le bateau part souvent au lof. J’aimerais naviguer plus vite mais ce n’est pas évident. Je vais jouer la prudence dans ce dernier coup de vent. Je ne peux pas y échapper, mais je vais essayer de passer avant qu’il ne soit trop fort. »
Détente
« J’ai parfois des temps morts. Aujourd’hui je profite que les conditions soient plus calmes pour me poser, pour lire. Je prends du plaisir en mer, je suis détendue, ça fait aussi partie de cette aventure, car il n’y a plus de compétition. Même si j’ai envie d’arriver le plus vite possible ! Je trouve ça chouette, ça me permet aussi tranquillement de me préparer au retour à terre. Là je bouquine le deuxième tome de Pierre Lemaitre, “les couleurs de l’incendie”. C’est passionnant ! »
Sam Davies, ETA une journée après
« On communique beaucoup avec Sam (Davies), on se donne des nouvelles tout au long de la journée, sur nos conditions, comment nous sommes toilées… Hier on s’était mises d’accord pour traverser la dépression avec la même stratégie. Mais je vais finalement devoir me décaler un peu, Sam est un peu plus lente, elle n’a plus de solent, plus de J2. Je vais passer en avant du gros de la dépression et probablement que Sam passera derrière. Nous n’arriverons pas ensemble aux Sables. Dans la mesure où l’on se rapproche des côtes, elle a aussi moins besoin d’escorte. Je devrais arriver avec une petite journée d’avance sur elle. »
Isabelle Joschke, MACSF
« Hier, quand il n’y avait pas de vent du tout, j’essayais juste de profiter de la journée chaude et du beau temps. Le soir, le vent a commencé à se lever, c’était top. Evidemment, il n’était pas dans la bonne direction donc j’ai dû tirer des bords, ce qui ne m’a pas réellement permis de progresser vers la ligne d’arrivée. Mais maintenant, je me dirige vers le nord et j’avance à 8/9 nœuds. J’espère que ça va durer pour que je puisse traverser ce pot au noir local et sortir de cet anticyclone.
Il y a deux jours, quand j’ai dû enlever un ris, c’était vraiment dur, beaucoup plus dur qu’au début de la course. C’est parce que je n’ai pas fait beaucoup d’exercices et que je n’ai pas fait d’entraînement physique, je m’affaiblis. De toute façon, je vais bientôt me remettre en forme et quand j’arriverai enfin, je m’en occuperai et je serai à nouveau « Strong Old Ari ». J’ai hâte de faire du ski de fond. En Laponie, il y aura encore de la neige quand j’arriverai. Et je me remettrai au sport en salle aussi, ça me manque vraiment. »
À propos des retombées médias
« Nous avons travaillé dur pour obtenir des retours, développer une bonne relation avec les médias et comme vous le savez, nous avons fait de la publicité sur le grand écran à Times Square à New York. Niina (ndlr : la responsable de la communication d’Ari et sa partenaire dans la vie) est une professionnelle de la communication, elle a fait deux boulots en même temps pendant quatre ans, elle a beaucoup travaillé pour le projet. Son travail porte aujourd’hui ses fruits. STARK est très heureux et c’est un nouveau chapitre pour la voile finlandaise. Nous espérons voir d’autres marins finlandais à l’avenir sur ce genre de course. »
Ari Huusela, STARK
CLASSEMENT
18:00 (heure française)
[…]
24. Alexia Barrier, TSE-4myplanet, à 1360.19 milles de l’arrivée
25. Ari Huusela, STARK, à 768.62 milles du 24e